Nathalie Rolland Huckel utilise toute la puissance esthétique de l’ornement pour
apporter un soin particulier et contemporain au détail, au beau, au travail de la main.
« Elégance, finition, rareté » sont
ses maîtres mots. Nathalie Rolland Huckel est une ornemaniste qui vit avec son
temps. Ses travaux témoignent de sa contemporanéité sans renier l’héritage de la technique traditionnelle.
Après les Arts Décoratifs de Limoges, une formation
de peintre sur porcelaine et des collaborations en tant que styliste pour les
arts de la table qu’elle poursuit pour la maison Hermès, elle s’accorde un
nouveau terrain d’expression avec des collections personnelles en laque. Elle
utilise la laque Européenne composée d’un vernis gras à base végétale utilisé
en France depuis le 18e siècle et mis au point par les frères Martin
pour imiter la laque de Chine.
Le procédé
est à la fois simple et prodigieux.
Nathalie Rolland Huckel dessine des prototypes fabriqués ensuite en bois par
des artisans locaux, ou plus rarement fait usage de formes préexistantes, pour
ses coupes, panneaux d’ornements,
boites, bijoux. De
nombreuses couches de préparation du support
précèdent les couches de vernis au pinceau, additionnées de pigments par touches
successives pour créer la matière laque.
Une complexité dans la superposition des
motifs ou, parfois, l’évidence d’une simple opposition soulignent une
ambivalence recherchée. Superposées et redéployées, les motifs concentriques,
géométriques abstraits se confrontent avec le graphisme végétal et la feuille
d’or gravée, intégrant toute une histoire du décoratif. Une inspiration issue
du japonisme et des grandes écoles européennes. « Je manipule le motif qui fait partie de notre Histoire. Bien sûr les
influences sont là ; le graveur Dürer, le peintre et laqueur japonais du
18e siècle Ogata Korin ou encore l’atelier Viennois Wiener
Werkstätte, sans oublier l’école Britannique avec Charles Rennie Mackintosh, font partie de mes références. »
L’expérience de la lumière, du rouge
brillant au doré éclatant renforce l’exubérance du détail. Le changement
d’échelle, la multiplicité du motif et des matériaux, la juxtaposition des
styles, évoque au final assez bien la logique postmoderniste. Mais ses créations
ont su gagner leur autonomie et faire oeuvre à part entière. Si l’artiste n’a pas
pour autant délaissé la technique classique et habituelle, celle-ci l’a mise
sur une voie qu’elle sait être sienne. Elle travaille le revêtement solide et
son brillant magnifique pour lui donner sa propre matérialité. L’affirmation de
la surface traitée de manière ornementale joue
même avec la tentation du motif pour lui offrir une nouvelle incarnation.
Le thème naturaliste est récurent. Nathalie
Rolland Huckel a créé une bibliothèque, issue de son imagination. Une suite
d’impulsions visuelles qui constitue la matrice de ses dessins. « La création du motif n’est pas préétablie. Je
m’inspire beaucoup de mon jardin. C’est d’abord une gestuelle assez rapide, que
j’habille ensuite de façon plus intuitive. »
L’œuvre est foisonnante. Elle propose une
négociation entre le détail et le tout, cherchant à éclater la narration par
superpositions, démultiplications des surfaces de projections, physiques et
mentales.
Le soin porté aux finitions, aux valeurs
de couleurs, témoigne de son attention dédiée au sensible et affirme son goût
pour l’expérimentation.
« J’aimerais expérimenter des grands panneaux muraux et des grandes
pièces. Changer de dimension c’est très intéressant et dangereux à la fois
parce que cela pose le problème de la maîtrise. Mais c’est toujours intéressant
de se mettre en danger. »