Jacqueline Politis est passionnée de musique classique. Les concerts de la chaîne musicale
Mezzo lui servent de matrice. Via l’écran, elle réalise des photographies
instantanées et des croquis en arrêt sur image. Puis elle transpose sur toile. Elle peint à l’acrylique et surtout à l’huile, au spalter, au pinceau, ou encore au couteau. L’artiste
s’attarde sur les attitudes jubilantes ou dramatiques, toujours variées, des
chefs d’orchestre, ces personnalités complètement habitées dans l’exercice de
leur fonction.
«Ma
première passion était pour le piano mais j’ai appris trop tard. Douée en
dessin, j’ai sagement viré vers la peinture à ma retraite. Un jour, à la
télévision, j’ai découvert les merveilleuses expressions des chefs d’orchestre
Simon Rattle et Vladimir Jurowski. Un Coup de foudre ! Il fallait que je les
saisisse…»
Les
toiles de Jacqueline Politis sont des partitions où les mesures ne se composent
pas de silences. Le style est figuratif, narratif. L’expression du visage fait écho au geste de la main.
Les mains jaillissent de
l’espace de représentation, spectrales, statiques et vibrantes à la fois. Elles
semblent soumettre tantôt l’anticipation, l’accélération, tantôt le frein.
Lento, moderato, allegro, presto… Elles miment la cadence. La charge symbolique
plastique devient sonore. La figure du chef accompagne le spectateur qui
participe au mouvement. Les mains toutes-puissantes sont l’incarnation virile
et sensuelle de la force masculine, de sa maîtrise, de sa domination. Elles
contraignent, désignent, révèlent la présence de la figure.
« Les
visages m’attirent. Je donne une dimension spatiale à ce qui est le plus
éphémère, le plus insaisissable dans son
écoulement temporel, le plus beau : l’expression.»
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| Ces-mains-qui-sculptent-la-musique-Sir-Simon-Rattle-81-x-100-cm- |
Jacqueline
Politis met
au premier plan le caractère humain, physique et psychologique, visible ou
caché. Elle scrute la naissance d’une
possible expression, une posturomimogestuelle où le mouvement et le son
agissent en étroite synergie. Cette tension créatrice est renforcée par la
multiplication du phénomène. L’artiste répète, démultiplie les figures. Aucune
posture n’est identique mais la lecture est fluide. Le spectateur déambule dans
un récit éclaté mais cohérent. L’artiste a cette volonté de perturber sans pour
autant vouloir perdre le spectateur.
« On
ne peut pas peindre à l’infini des figures sans un lien qui justifie leur
pluralité et leur voisinage sur une toile. »
La
composition cède le pas à un ordre-désordre. Tapie dans la concentration
mentale de l’artiste, la complexité de coordination des figures multiplie le
sens.
Le
regard prend son temps et décrypte chacune des postures, c’est une négociation
entre le détail et le tout comme la lecture d’une bande dessinée.
« J’ai
dessiné des centaines de « bandes
dessinées » dans mon enfance et je n’ai jamais pu faire un brouillon qui
ne soit auréolé de figures.»
La
perspective est oubliée, seule compte la présence du mouvement et de
l’expression. L’artiste a préféré s’affranchir des décors. Quelques emphases et effets de style flamboyants enrobent
les figures qui semblent partager un instant le royaume d’Hadès. Dans ce
débordement imaginaire qui dit la vérité, qui l’exalte même par l’artifice de
la présentation, la finesse de Jacqueline Politis est de mettre à l’unisson la
pulsion de sa touche et de sa palette pour faire résonner toute son admiration
pour les grands chefs.