Jean-Luc Manguin interroge les lignes,
les grilles, les formes géométriques avec la volonté d’en révéler l’importance
esthétique. Son approche cherche à identifier le
système pertinent par une intervention minimaliste,
poétique qui se livre à l’imaginaire de chacun.
Son travail préalable de calculs sur ordinateur lui
permet de créer et moduler la forme au crayon graphite, au feutre à encre
de Chine, ou encore à l’acrylique sur papier. Le procédé logique, arithmétique
laisse émerger une présence récurrente : le carré. L’artiste l’envisage comme une figure proche, intime, ludique, porteuse d’une réflexion
sur les conditions d’émergence du visible ; sur ce qui se donne à voir.
« L'ordinateur
m'aide à inventorier les possibilités des systèmes qui m'intéressent,
principalement basés sur la suite des nombres entiers, et sur des figures
remarquables qui l'exploitent, comme le carré magique ou le carré latin.
L'aléatoire ne me sert pas à créer des systèmes, mais à introduire parfois des
variations, ou à tirer au sort des combinaisons parmi les trop nombreuses
possibilités d'un système. »
Les
combinaisons de la forme primaire convoquent l’art abstrait. Ses propositions
d’agencement déterminé tendent à se faire écho et à former des ensembles. Elles
sont ordonnées pour s’influencer et se répondre en agissant comme une sorte de
manifeste anonyme, sans nom, sans titre.
Jean-Luc
Manguin procède à la dispersion au sens où les pièces et les combinaisons
semblent renouvelables indéfiniment. Cet ensemble de systèmes réunis autour de
la question de l’équilibre mesure les espaces interstitiels. Il établit une
hiérarchisation et invite à la reconsidération des marges et des limites, des
présences et des absences.
Malgré la 2D, de
l’intériorité à l’extériorité, l’effet de perspective instaure une
spatialisation, une projection en relief.
L’intention de gommer toute subjectivité participe à
une certaine universalité de l’œuvre. Les figures
laissées à la disposition du spectateur agissent comme des modules vacants
chargés par leur propre potentiel d’occupation et de déplacement. Chacun les
appréhende selon sa compréhension et sa logique. Tout se passe dans cette zone
accessible, de la perception intime.
Jean-Luc
Manguin invoque volontiers le vocabulaire et les principes de ses
maîtres : Piet Mondrian, Theo Van Doesburg, Kazimir Malevitch, Sol Lewitt, François
Morellet, Max Bill, ou encore Herman de Vries. En résonance à ses référents,
son travail rythme et signe sa modernité en s’emparant avec
singularité des héritages du minimalisme. L’ordre, le vide et le plein
silencieux… Sa personnalité plastique ouvre vers des hors-champs perceptibles
et pénétrables qui questionnent à nouveau la pratique artistique.
« Le
minimalisme est une des deux facettes de l'esthétique humaine, avec son opposé
qui est l'exagération, l'outrance, le baroque. Suivant les époques et parfois
suivant les arts, le point d'équilibre varie entre les deux. C’est pour moi une
expression radicale de la simplicité, indémodable. »