Les messagers éveillent
les consciences avec tact et féérie vers la quête
spirituelle d’un monde meilleur. Ils invoquent
toutes les bonnes volontés pour la préservation de la planète, ses habitants et
ses rituels.
Ce qui caractérise de prime abord cette œuvre de Marina Cartiant c’est son indéniable essence contextuelle. La nature, le végétal,
l’humain et l’animal sont les surfaces d’expression qu’elle utilise pour lancer un appel sous
forme d’un manifeste lumineux.
L’artiste sacralise les symboles pour nous renvoyer aux
inégalités du monde qu’elles soient d’ordre naturelles, culturelles ou
identitaires. L’aspect onirique s’impose. Il est renforcé par la dimension
mystique parfois presque vaudou qui s’empare de l’œuvre et semble la posséder.
Habité par un paysage aux confins du chamanisme, l’installation évoque
également les religions
monothéistes et polythéistes par un accessoire ; un collier en bois, un
verre, un chapelet, un bâton de vie et autre grigri…
« On peut déchiffrer à travers les éléments qui nous entourent, les
différentes religions, notre mémoire qui relie nos expériences et les individus
qui traversent notre vie. »
Les représentations surnaturelles et pures nous transportent vers des
contrées fantastiques et autonomes. Envisagés tels des messagers, les
différents modules pourraient s’apparenter à des petits autels qui préservent
le secret de leurs talismans.
« C’est une
cérémonie de vœux pour le salut de la terre. Présents dans toutes les
religions, les messagers se manifestent de par le monde pour la
préservation de la planète. »
Organisés au sein d’un parcours initiatique, ils s’articulent autour
d’un point central.
« La scénographie
met en lumière un grand cercle qui rappelle la commémoration des peuples à
travers le monde. La ligne droite implique une suite et incite le spectateur à
marcher droit comme dans la vie. »
Cette lecture organisée tel un rituel ouvre les portes d’un au-delà
glissant entre magie et réalité, entre résistance et fragilité.
Par leurs traces esthétiques naturelles, délicates et
fugitives constituées de bambou, raphia, paille et terre, les messagers révèlent une démarche méditative et créatrice.
Cette désorientation sensorielle participe au questionnement du cycle du
vivant et son devenir à la lisière de l’ombre et de la lumière, du vide et du
plein, du domestique et de l’inconnu, du pérenne et de l’éphémère.
L’étrangeté reste tangible mais nous ne perdons jamais le fil.
L’installation s’imprègne du lien avec l’autre et nous guide vers une narration
qui concentre la question du repère à travers la représentation et la matière.
« La calligraphie, la broderie et le tissage
en raphia font surgir les questions sur notre capacité à comprendre et se
remémorer nos expériences vécues dans le cercle familial ou relationnel. »
L’artiste fait intervenir les générations, anonymes ou proches, vivants ou
défunts. Son père, sa grand-mère, le peuple inuit, celui de l’ancienne Égypte,
du Japon, d’Israël… Des hommes à leurs terres, nous sommes invités à nous
questionner sur la préservation des abeilles, des animaux sauvages, des racines
des plantes, des forêts.
Marina fabrique un monde sans frontières ni territoires avec
ses propres marqueurs d’identité. Elle questionne l’événement et l’urgence en
invitant à réfléchir sur les thématiques des plus actuelles : qu’est-ce
qu’un espace commun aujourd’hui ? Que résulte-t-il de l’appropriation de
chacun de la nature, d’une culture et de sa transmission ? Que reste-t-il
d’authentique ?
Son installation est un attrape-rêve éveillé, un
avertissement pour la préservation de la nature, ses espèces, l’homme et ses
rites avant qu’il ne soit trop tard.