En
duo, Benjamine Guilbaud et Cyril Le Goualher élaborent leurs œuvres comme
autant d’investigations venant déjouer les cadres et les méthodologies
classiques. Elle se composent de peintures, dessins, sculptures, vidéos,
performances…
« Chaque
projet est pour nous l'occasion d'une réflexion, d'une "installation
totale", dans le sens d'une articulation de plusieurs propositions entre
elles. »
Leurs
recherches protéiformes entremêlent des corpus de réflexions factuelles et
fictionnelles afin d’explorer et interroger le contexte sociétal dans lequel
nous évoluons.
« Nous
ne nous interdisons aucunes techniques, et nous pouvons travailler dès lors en
collaboration avec d'autres professionnels. Dans notre façon de
travailler, l'idée, la réflexion engendre la forme. »
De
la rigueur à la relâche, les artistes frôlent les marges, virevoltent, hors des
catégories.
Leurs
travaux volontaires et signifiants revendiquent à la fois l’expression minimale
et baroque.
« Ces
deux notions sont intimement liées et sont pour nous le reflet permanent du
monde d'aujourd'hui. Le minimalisme de nos vies résignées et l’abondance
d'objets, la surcharge de formes et le bavardage généralisé. »
Sans
intention d’objectivité ou de véracité, la construction critique de situations
spécifiques reste ouverte à toutes interprétations. Notre vision,
vraisemblablement transformée et à jamais incertaine devant leurs œuvres, se
laisse bercer par cette narration. Nous avons le choix d’explorer un certain
rapport au monde filtré par de multiples strates où il s’agit de dénoncer « la théâtralité permanente, le
« fake » institutionnalisé, la résignation générale, la
standardisation, la banalisation voire la vulgarité quotidienne. »
Leurs
travaux s’envisagent comme un flux de témoignages, de traces de l’activité
humaine. Ils ont cette capacité à
capturer, reconstituer une image du vivant, le fragment d’un récit qu’il faut
traduire sous forme de narration que l’on pourra transmettre.
La
configuration de ce langage créé sa poésie avec toujours une hiérarchisation
des sources et des registres. Le discours issu de plusieurs provenances fait se
côtoyer différents espaces et temporalités, souvent des non-lieux, des ZAT
(Zone Artistique Temporaire) comme autant d’interstices accessibles à la
perception intime à la fois proche de nous et d’une étrangeté radicale.
« Nos ZAT, nos respirations, ces zones-tampons
apparaissent dès lors comme des territoires, des zones à protéger ; des zones
propices à la réflexion, à l'échange. »
Le
glissement, le décalage, l’absurde, la fusion inopinée, le non-sens sont les
éléments constitutifs de leur travail. Il donne une matérialité à l’espace
immatériel entre les êtres, aux modalités d’apparition, d’existence et
d’incarnation. La référence aux dogmes est d’ailleurs récurrente. Un Saint-François
debout accueille les visiteurs sur le site des artistes, une performance
présente la tablée de Jésus et ses apôtres agités (Happy Meal.) Binôme Lambda
questionne aussi l’univers du jeu (Matthieu 20:16, Tribu(ne), Ball trap), le
sens inversé de gravité (La pente, Quo Vadis, Vue de Chine), le temps
irréfutable (10H10), l’aliénation et l’endormissement (HastagutteNacht), le
refuge, l'enfermement (http://routeàlacampagneavecarbre/, contre
indications et effets indésirables, Non lieu intervention), l'aliénation de
l'homme au travail (NC) ou encore la question du domestique (Elle s’occupe
comme on dit.)
L’œuvre
est beaucoup moins naïve que les formes simples employées ne le laissent
croire. En révélant des situations simples aux conséquences complexes, elle
suffit à Inquiéter la routine, à être utile pour dénoncer la manipulation de
masse et la fragile liberté acquise de chacun. A travers un imaginaire
extrêmement construit, les expériences artistiques étonnantes et inclassables
du binôme Lambda subsistent. Quelque chose semble surgir, s’improviser à
travers un ensemble de codes en sollicitant notre réaction contre la
normalisation d’une société en transformation.
Le
plaisir est libératoire face à ce véritable répertoire de métaphores
esthétiques qui nous transporte pour tenter de définir le chemin individuel
mais aussi une pratique de « l’être ensemble » en donnant une forme
plastique à l’espace qui nous relie et qui nous sépare.
Car
on peut aussi envisager l’œuvre comme un récit ironique d’anticipation d’un
monde courant à sa perte, à l’individualisme grandissant, un monde en mutation,
au futur incertain.
« D'un naturel optimiste, nous devons concéder
malgré tout, une inquiétude d’être au monde. »
Le
prochain projet en réflexion du binôme s’intitulera à juste titre : "J'irai te chercher, nous irons nous
enfuir..."