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Hervé Perdriel, quel « nouveau monde » ?

 


Quelle est la place de l'humain dans notre société postmoderne et numérique ? Hervé Perdriel dépeint une approche du « nouveau monde » née pendant le confinement.

 

« L'enfermement involontaire a provoqué un désir de m'exprimer et de mettre en image ce qui m’était privé d'accès ; les échanges, le territoire, la nature, l'art... »

 

Cette série fusionne des fragments numériques hétéroclites. Leur hiérarchie s’inspire

du vocabulaire de certains poètes tels que Leo Ferré ou Hubert Félix Thiefaine qui, par leurs champs lexicaux variés, font s’entrechoquer les temps, les sons et les niveaux de langage.

Les collages digitaux d’Hervé Perdriel invitent à un voyage introspectif où l’inconscient y apporte de l’ordre en l’interprétant. Du dedans au dehors, ils permettent aussi une projection vers l’extérieur où les territoires semblent mutables, en mouvement, créant une atmosphère de désorientation, au-delà des époques.

 

Dans ce périple esthétique et technologiquement transformé, tout s’assemble et se transforme. Le street art, la peinture classique, la photographie sont autant de références que l’artiste lie et délie permettant certains hommages à Niki de Saint Phalle ou à Jon One. Hervé laisse le temps s’effacer, se modifier, pour être perçu sous une nouvelle réalité augmentée. Il se positionne au bord d’un monde inédit qui se profile. De l’autre côté de la frontière, là-même où il explore le rapport entre le réel enrêvé et le rêve éveillé, entre le sol et le ciel, entre le lieu observé et la vision hallucinée.

 

Il invente des images de transit, dévoile des ombres et des abysses, propose des constellations et des souffles. Son geste relève un lien temporel oscillant entre apparition et dématérialisation. Dans cet univers fantasmé, le numérique n’est pas seulement le reflet d’une réalité ; il crée le réel.

 

Cette nouvelle dimension, indéniablement contemporaine, fabrique une œuvre actuelle, fondée sur des traces mémorielles revisitées telles que la carte mémoire qui constitue certains cadres de la composition.

« Ces cartes ont une grande richesse picturale. Elles évoquent les anciennes villes vues du ciel et les réseaux imaginaires du Big Data. Elles figurent l’époque actuelle ou le numérique tend à envahir et à transformer l’espace de nos vies (…) et nous renvoient à une représentation codée de nos espaces ; telle une matrice ambivalente, anonyme et mystérieuse. » 

 

La carte mémoire témoigne du caractère envahissant des algorithmes et nous projette autant dans l’enfermement que dans l’ouverture de perspectives. Dans cet espace, la fuite des corps, les possibilités d’échappatoire et les résidus d’un instant décisif sont agencés comme une somme d’empreintes. Ces fragments digitaux savamment assemblés laissent apparaître une sensation hypnotique de trouble.

 

Dans ce « nouveau monde » l’équilibre des forces se revisite.

« L'horizontalité remplace la verticalité du pouvoir et de la vérité. La désillusion des grands idéaux multiséculaires fait place à la vivacité d’actions individuelles concrètes que démultiplie la puissance des mondes numériques. »

Au sein de cette réserve de trames réelles et fictionnelles, se pose la question de la marge de liberté de l’homme. Et celle de l’ambiguïté d’une nouvelle existence propulsée dans un monde en construction où le devenir reste à définir face à l’omniprésence du numérique.