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Florence Wetzel, impression aquatique


A l’origine de la série Habiter la Seine, c’est une envie de balade, de détours au fil de l’eau, de se laisser immerger par le paysage. Florence Wetzel s’attelle à une technique simple et objective, une photographie libérée des affects et autres artifices. Elle effectue ses prises de vue en négatif numérique (Raw). Ce format contient toutes les données enregistrées par le capteur et permet de retranscrire un maximum de détails. Elle capture du printemps à l’automne, là où la lumière sculpte les matières. Les photographies sélectionnées sont retravaillées pour optimiser luminosité, contraste et couleurs avant d’être imprimées sur papier ou livre-photo. L’artiste s’autorise ensuite l’extrapolation, dernière étape venant compléter ses tirages, par des références légendées : des titres d’œuvres impressionnistes. Ce rapprochement mêle émotion et réflexion, il se réalise selon le lieu commun où a été réalisé le cliché ou simplement selon une atmosphère évocatrice du tableau originel.
« Lorsque je photographie, je ne pense pas aux Impressionnistes, c’est une intention qui clôt ma démarche. Ces peintres ont un réel œil photographique et un cadrage spécifique, en particulier Caillebotte et Vallotton, mes peintres favoris. »

Villennes s/Seine, 2012 « Yerres, nénuphars sur la mare, G. Caillebotte »
En restituant une réalité tangible qui flirte avec le document, Florence Wetzel accentue l’onirisme plutôt que les jeux de codes et les déformations. Elle s’approche du réel pour capter le fugace. C’est la nature et les habitants du fleuve qui l’intéressent. Tortues, pêcheurs et amoureux des bords de Seine croisent son parcours. Noyée dans le cadre, la présence de ces individus renforce l’échafaudage discursif et focalise le regard, laissant le ressenti passer du détail au plan large et vice versa.
A contre courant et à l’opposé de l’esthétique naturaliste, l’industriel et le quotidien sont distillés dans quelques instantanés. Les ponts, les chantiers de bateaux, l’univers des mariniers sont d’autres aspects du fleuve que l’artiste souligne. Ils sont les témoins de l’action, du mouvement et du débordement entre ville et nature.
Florence Wetzel retient ce qui marque son œil en appréhendant l’idée de proximité et son contraste. Ces havres de paix sont tout contre les endroits agités de la ville. L’artiste sillonne le court du fleuve mais s’en éloigne quelque peu aussi. De Rouen, en passant par Giverny ou les haltes parisiennes des îles Saint-Louis, Seguin et Saint-Germain jusqu’à Moret-sur-Loing, son parcours narratif grouille d’anecdotes et de découvertes à chaque fois singulières.
De ses déplacements constants, elle saisit l’immédiateté, fidèle à son esthétique contextuelle. Elle s’adapte au lieu et joue avec les curiosités d’un ailleurs qui s’offrent à elle. Le panorama est intimiste et contemplatif, le banal, magnifié. Les situations diffusent un climat toujours baigné d’un luminisme vert aquatique. Le soin porté aux valeurs des couleurs, aux finitions, témoigne aussi de l’attention qu’elle dédie au sensible.
Son grand atout est son ambition de distance, loin des éclats de séductions habituelles de l’art contemporain. Ses travaux s’installent dans une continuité, dans un temps d’hier et d’aujourd’hui, sublimés par une certaine pérennité picturale. C’est un repos, une respiration poétique, un arrêt suspendu dans l’étendue d’une séquence, c’est le calme avant et après la tempête.