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Julia Perrin, l’exil narratif


Strates des mers, encre sur papier aquarelle, 
2015, 50 x 70 cm
Nourris de situations remémorées et d’intuitions, ses travaux sont des voyages qui racontent leur histoire, laissant délicatement percevoir dans la restitution du réel la curiosité d’un ailleurs.

Après des études en sciences humaines, elle choisit finalement l’art pour exprimer son ressenti sur le monde. Kabylie, Japon, Brésil, CanadaSont des lieux qu’elle a traversés où elle s’est également installée. De ses exils constants, elle saisit l’immédiateté donnant lieu à des paysages, des portraits, des atmosphères, des détails intimes à chaque fois singuliers. Julia Perrin se nourrit de la perte des repères que la vie peut lui procurer ici et ailleurs. « Les voyages me font sentir différente avec le déracinement, l’exclusion, l’intégration, la perte de codes que cela peut susciter, mais cela fait partie de moi. »

De l’illustration à l’abstraction, elle fabrique une iconologie d’intervalles qui lui est propre portant sur la signification de figures et d’espaces. Ses travaux génèrent la sensation diffuse de se trouver en présence d’un phénomène insaisissable, parfois face à la réalité d’une absence lorsqu’elle évoque à travers une fable sur la solitude son histoire personnelle et la perte d’un être cher. Le brouillage d’unité de temps et de lieu participe à cette impression comme les regards de ses personnages systématiquement effacés. « C’est une façon de ne pas évoquer le jugement, dire l’absence et évoquer l’assimilation. »

Crayon à papier, encre, aquarelle, palette graphique, sérigraphie… Julia Perrin mixe les techniques,
La parisienne, encre et gouache, 2016, A4
les trames et les pigments. La palette est douce, pastel avec une tonalité bleue qui se retrouve de façon sérielle dans ses paysages. Elle a grandi au Japon, en bord de mer, sa fascination pour la couleur de l’eau et ses nuances turquoise, cyan ouvrant sur l’horizon, évoquant le rêve et la sérénité font partie intégrante de son vécu. La mer, la montagne, le végétal… La Nature et les représentations raffinées parfois mélancoliques de l’Empire du soleil levant demeurent pour elle une formidable inspiration où la quête du lieu idéal se poursuit.
Ses paysages éphémères sont aussi des lieux utopiques, inventés qui se construisent et se reconstruisent en particulier dans ses travaux de sérigraphie. Les lignes sont délicates sans être systématiquement déterminées ou achevées. Son geste tenu montre le repentir, souligne, laisse s’évanouir dans une recherche permanente.

L’œuvre de Julia Perrin induit le mouvement dans un glissement permanent entre le réel et sa fragmentation. « Ce perpétuel aller-retour entre le figuratif et l’abstrait me permet de ne pas m’ennuyer. »
Fitzroy imaginaire, serigraphie, 2014, 50 x 40 cm

De la flore à la ville, des forces de la nature à la fragilité parfois ironisée des personnages, les représentations ne flottent pas dans un éternel éther, elles sont toujours prises dans le contexte idéologique, dans des constructions collectives et mémorielles. Ses illustrations sur la mode, sur les parisiens ou encore ses portraits de personnalités témoignent de son attrait pour l’identité au sein de son contexte.

Elle apprécie décoder les rites pour les transformer en contes narratifs. « C’est une manière de montrer, de savoir au plus près des choses comment est le monde. Comme une confrontation. »  Avec toujours cette ligne de conduite élégante et cette distance certaine (un autre héritage du japon), la narration se dévoile minimale, poétique voire énigmatique tant par les formes que les histoires qu’elle propose.