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Les lignes de force de Catherine Jouck


Imprégnée par l’écriture de son père architecte, ses travaux s’envisagent comme des songes alliant la peinture et l’édification dictés par une certaine conscience sociale.

Bien que le résultat n’ambitionne aucune vocation fonctionnelle, le procédé s’emprunte aux méthodes de la maquette architecturale, de l’esquisse industrielle. Pourtant tout concourt à troubler les dimensions des espaces, des volumes représentés, multipliant volontairement leur potentiel fictionnel.

Cette étrangeté radicale se concentre également par les corps. Catherine Jouck peint des êtres évoluant, déréalisés, aux silhouettes squelettiques. Qu’ils soient figures, villes ou buildings, tous sont issus de variations de l’informe et travaillés sous une certaine verticalité étirée. L’artiste l’envisage comme axe de toute construction, tel l’échine de la vie. « La verticalité structure mes tableaux et apporte une base harmonieuse (…) C’est une colonne vertébrale qui gère la gravitée terrestre. L’homme debout face à son destin. »

La vie en mouvement
 
Déformées, multipliées, superposées, les lignes semblent prendre un élan pour se déployer dans un espace infini. Cette fragmentation du réel prend forme par des surfaces délicatement colorées à l’encre de chine et à l’aquarelle sous une palette tricolore bleue, blanche et rouge. « Le bleu c’est l’intensité, nos racines et la noblesse des hommes lorsqu’ils se montrent altruistes. Le rouge, le vivant et la passion des sentiments, des recherches et découvertes. Le blanc symbolise la naissance de la matière, la pureté, l’éternité étincelante du vivant. » 
 
Des racines à l’éternité, sous ce paradigme érigé de la base au sommet, la composition s’envisage en mouvement, en mutation. « Le mouvement signifie pour moi la vie, sans mouvement, il n’y a que le vide (…) Le balancier du temps et l’intervention de l’homme mène à des mutations du vivant de manière inexorable (…) qui passent par de grand pâturage et tels des moutons nous paissons ce que l’on veut bien nous donner à manger et à boire pour nous retrouver le soir dans des dortoirs verticaux. »   

La peintre souligne la façon dont l’urbanisme et la modernité influent sur le comportement humain. Comment l’insidieux mouvement mécanique de l’ère industrielle, l’accélération fulgurante des grands changements technologiques et scientifiques a aussi entraîné la domination de l’argent et la déchéance du respect des libertés individuelles. 

La vie à tous les étages
 
La zone d’humanité et son engouffrement déborde. La ligne vient en permanence marquer un territoire, objectiver le geste, rappeler la règle, suggérer une destination. Le flou et le dilué semblent montrer une tentative d’évasion, une fuite des corps, l’ouverture de perspectives, la poésie d’un espace de liberté, un rythme de l’élévation individuel. 

Les territoires et les légitimités se toisent et se mesurent dans un travail qui examine les voies de la dissidence, les éventuelles opportunités d’émancipation de l’homme face à la rigueur des cadres et des prescriptions du monopole social. Dans cette captation du sensible, Catherine Jouck trace ses lignes de forces vers de nouveaux possibles sous une poétique de la hauteur.