projet pour le module Alpha, 2016. image Samson Lacoste |
Affilié aux ateliers d’art de France, cet artiste dinandier revendique l’art de lier ses mains à la matière. Ses sculptures jonglent avec l’échelle et la pesanteur ; les acteurs principaux de son travail qui concourent à troubler la perception des espaces et des volumes. Une véritable invitation à réévaluer nos critères de jugement.
Ulysse Lacoste travaille la tôle. Sur croquis, il réfléchit à l’échelle de la main puis se confronte graduellement à la taille humaine pour in fine envisager ses œuvres de façon monumentale. Ses pièces uniques sont des modules symétriques, des représentations sinusoïdales.
Son atelier regorge de recherches géométriques qui se rencontrent, se percutent et se répercutent. De ces chassés croisés sculpturaux naissent des rapports arithmétiques de coupes de cylindres, de sphères, d’ellipses.
“ Le cercle est plein de mystère, Il me nourrit et me fait rebondir sur des nouvelles formes. J’ai recours au cercle pour faire naître le mouvement. Les belles solutions sont des solutions intelligentes qui servent à rouler, à voler. ”
Taillées dans la masse pour leur donner de l’inertie, les pièces s’envisagent à la fois mobiles et stabiles. Elles possèdent une valeur abstraite volontaire. Certaines permettent un contact privilégié, comme celui de se nicher à l’intérieur et d’accueillir des performances d’acrobates qui donnent vie aux sculptures. Une façon de questionner l’identité et le statut de l’œuvre, intégrée dans un état transitoire, sans frontières entre sphère intime et espace partagé. Cette constante évolution rend un hommage poétique aux œuvres ouvertes telles que les définissait Umberto Ecco.
Volumes purs fabriqués en plein ou en creux, percements pour obtenir du vide... Du dedans au dehors, du positif au négatif, les sculptures sont faites pour être touchées. Ulysse travaille les reprises, efface les soudures pour contribuer à une présence lissée, massive, synthétisée, épurée. Son travail d’abandon d’empreintes est fondateur.
Lorsqu’il épure davantage certaines œuvres s’apparentent au monolithe, structure de la structure la plus archaïque. Une réminiscence du passé, aux formes premières comme un écho habité d’un temps non défini et fantasmagorique.
le grand Rulpidon, acier Corten, 2018 |
Le défi de la pesanteur révèle l’intérêt prégnant de l’artiste pour les sciences qui l’amène à s’interroger sur les conditions de réalisation de l’improbable. Un principe d’énergie et de confrontation de forces pour conjurer le prévisible et perturber l’attendu.
“Conscientiser les mathématiques, la géométrie, la physique, l’équilibre stable ou instable, la suspension… tous ces éléments me nourrissent. C’est une base structurelle, une inspiration permanente. Je me pose chaque jour des questions sur la gravité, l’addition de forces engagées qui s’annulent et créent de l’immobile. Il ne suffit parfois de rien, un souffle d’air pour modifier l’équilibre.”
Le travail incarné d’Ulysse manifeste l’intention de capter l’attention pour permettre d’améliorer son potentiel perceptif. Ses sculptures révèlent leur équilibre minutieux et les variations, sublimations que la présence humaine y déploie. Leur composante de sommes de phénomènes et de mouvements concourent à une impression de nature, un morceau de paysage exprimé en volume. Une forme primaire qui prendrait une vie autonome, à la fois archéologique et futuriste, une toupie-ovni, télescopant les temporalités.