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Carole Fournet, Les mouvements de l’âme


 
Revenir I , encre Sennelier, plume de verre, papier Fabriano 320 g, 84 x 54 cm

Elle capture une présence qu’elle transforme en évanescence, s’écartant de la convention tout en respectant les valeurs académiques. Carole se prête au jeu de la référence, sans la citer. Ses modèles proviennent de différentes sources d’inspirations. Celles du Quattrocento, des musées tels que Le Louvre, Orsay, le musée Rodin, Versailles mais aussi les églises ou les cimetières du Père Lachaise, de Nice, de Venise et Rome. Car c’est avant tout l’attitude qui retient son attention. La posture qui tend vers l’intimité, faisant du corps un espace de questionnement.

Les poses lascives et expressives revisitées des figures participent à un certain lyrisme.
Elles expriment une nouvelle manière d’appréhender l’être ; « sa douleur, sa joie, son exaltation, quelques fois un sentiment caché… »
Sous une forme libératrice de forces en présence, les tensions et les équilibres se révèlent. Les figures s’emmêlent et s’entremêlent, certaines ne font plus qu’une. Dans cette fusion des corps, les rapports de désir se confondent, les fantasmes se tournent et se retournent pointant une charge émotionnelle proprement exaltante.

L’immédiateté du trait et la présence de repentir contribuent à un parfait équilibre entre le surgissement et l’effacement du personnage. De l’exploration à la composition, de la figuration à l’abstraction, un véritable abandon de la ressemblance au profit de l’essentiel s’opère. Dans cette poésie picturale de perte des repères, il s’agit de perturber sans effacer, fragmenter sans s’éloigner de l’apparence.

La palette participe à ce ressenti dans un jeu de transparences, de couleurs et de lumières. Les tonalités claires et douces se diluent. Le fusain ou le pastel accompagne les encres Sennelier ; une technique mixte sur papier Fabiano blanc ou en couleur. L’encre se propage laissant le figuré s’écarter du tangible, en invitant le diffus à cohabiter avec le précis.

Cette réappropriation nous invite sans nul doute à la réflexion sur le statut de ce que l’on voit et ce que l’on apprend à déceler. Ce trouble de la clarté du message vient désacraliser les symboles et chahuter l’envers du décor des icônes de l’Art.
Anges et autres figures fugitives s’échappent de quelques personnages. Certains, en béatitude s’opposent à d’autres, drapés de doutes voire de désespoirs. L’artiste sait capter le magnétisme d’un état d’attente, un moment transitoire, en processus de métamorphose.

La recherche s’axe sur le mouvement, le changement de situation pour libérer l’œuvre. C’est dans cette trajectoire que s’énonce l’âme qui dévoile les indices d’un caractère.
« Les mouvements de l’âme correspondent parfaitement à mon état de création lorsque je dessine. » C’est l’émotion d’un instant. Une précieuse temporalité, la suspension du moment, un sentiment de profonde sensibilité.

« Mon envie de dessiner naît lorsque je capte une émotion, elle peut se traduire dans l’urgence ou bien se faire attendre. Mais elle est là et reste dans ma main. C'est de l'ordre du chimique, comme lors d’une rencontre ; on se plaît ou on ne se plaît pas, c'est viscéral. »
Carole Fournet ré-enchante la posture avec incarnation. Elle s’éloigne de l’imitation pour s’en affranchir. Sa passion pour le dessin est un corps à corps, une histoire d’amour sans fin.