Elle capture une
présence qu’elle transforme en évanescence, s’écartant de la convention tout en
respectant les valeurs académiques. Carole se prête au jeu de la référence,
sans la citer. Ses modèles proviennent de différentes
sources d’inspirations. Celles du Quattrocento, des musées
tels que Le Louvre, Orsay, le musée Rodin, Versailles mais aussi les églises ou
les cimetières du Père Lachaise, de Nice, de Venise et Rome. Car c’est avant tout l’attitude qui retient son attention.
La posture qui tend vers l’intimité, faisant du corps un espace de
questionnement.
Les poses lascives et expressives revisitées des figures participent à un
certain lyrisme.
Elles expriment une nouvelle manière d’appréhender l’être ;
« sa douleur, sa joie, son exaltation,
quelques fois un sentiment caché… »
Sous une forme libératrice de forces en présence, les tensions et les
équilibres se révèlent. Les figures s’emmêlent et s’entremêlent, certaines ne
font plus qu’une. Dans cette fusion des corps, les rapports de désir se
confondent, les fantasmes se tournent et se retournent pointant une charge
émotionnelle proprement exaltante.
L’immédiateté du trait et la présence de repentir contribuent à un parfait
équilibre entre le surgissement et l’effacement du personnage. De l’exploration
à la composition, de la figuration à l’abstraction, un véritable abandon de la ressemblance au profit de
l’essentiel s’opère. Dans cette poésie picturale de perte des repères, il
s’agit de perturber sans effacer, fragmenter sans s’éloigner de l’apparence.
La palette participe à ce ressenti dans un jeu de
transparences, de couleurs et de lumières. Les tonalités claires et douces se diluent. Le fusain ou le pastel
accompagne les encres Sennelier ; une technique mixte sur papier Fabiano
blanc ou en couleur. L’encre se propage laissant le figuré s’écarter du
tangible, en invitant le diffus à cohabiter avec le précis.
Cette réappropriation nous invite sans nul doute à la réflexion sur le
statut de ce que l’on voit et ce que l’on apprend à déceler. Ce trouble de la
clarté du message vient désacraliser les symboles et chahuter l’envers du décor
des icônes de l’Art.
Anges et autres figures fugitives s’échappent de quelques personnages.
Certains, en béatitude s’opposent à d’autres, drapés de doutes voire de
désespoirs. L’artiste sait capter le magnétisme d’un état d’attente, un moment
transitoire, en processus de métamorphose.
La recherche s’axe sur le mouvement, le changement de situation pour
libérer l’œuvre. C’est dans cette
trajectoire que s’énonce l’âme qui dévoile les indices d’un caractère.
« Les mouvements
de l’âme correspondent parfaitement à mon état de création lorsque je
dessine. » C’est l’émotion d’un instant. Une précieuse temporalité, la suspension du
moment, un sentiment de profonde sensibilité.
« Mon
envie de dessiner naît lorsque je capte une émotion, elle peut se traduire dans
l’urgence ou bien se faire attendre. Mais elle est là et reste dans ma
main. C'est de l'ordre du chimique, comme lors d’une rencontre ; on
se plaît ou on ne se plaît pas, c'est viscéral. »
Carole Fournet ré-enchante la posture avec incarnation. Elle s’éloigne de
l’imitation pour s’en affranchir. Sa passion pour le dessin est un corps
à corps, une histoire d’amour sans fin.