72 - By night, dessin au feutre, 40 x 29,5 cm |
Une déficience visuelle l'affecte depuis son enfance, pourtant Yammes peint et dessine de façon hyper active des espaces tracés avec hiérarchie entre la nature et la ville qu’elle s’emploie à exprimer.
Son univers tend vers l’abstraction lorsqu’elle peint à l’huile au pinceau ou à l’acrylique au couteau. « La peinture et le couteau en particulier me laissent une liberté totale et me permettent d’user de déformations pour donner naissance à des peintures abstraites. »
Yammes évoque les éléments naturels ; l’eau, la terre, la montagne… Leur expression mouvante, la conduisent à s’écarter des normes de représentation. Selon un certain relief de strates et d’espaces parcellaires, elle rend visible ce qui se dérobe, ce qui disparaît et s’efface. Une façon de dénoncer les menaces contre l’environnement en suggérant un changement de perspectives. « La nature est ancrée dans mes origines. Mes descendants viennent de la montagne. J’ai toujours préféré vivre dans la verdure, plutôt qu’à la ville. »
Pourtant Yammes est aussi passionnée par le vertige de la Cité, ses immeubles qu’elle métamorphose avec singularité.
« La ville, c’est les grands ensembles, les sorties, les voyages, la découverte. Mais la ville est sutout liée à mon activité dans le domaine immobilier à laquelle je me suis consacrée pendant des années. »
Pendant le confinement elle s’est remise au dessin avec une inspiration plutôt urbaine. Sur papier, sa technique est mixte ; stylo, crayon, fusain, encre, pastel, feutre... Un contour visible noir enrobe des formes évoquant, objets du quotidien, architectures et portraits qu’elle remplit généreusement de tonalités multicolores.
Ses dessins jouent des conventions graphiques. Les cadrages originaux donnent l’impression de volume. Tensions, points de déséquilibres accompagnent son trait spontané, guidé par son imagination ou parfois par des inspirations plus identifiées. Selon des angles de vue inédits, les œuvres dessinées apparaissent synthétiques. Les lignes sont bousculées, accentuées. Le paysage citadin se recompose sous de nouvelles distorsions. Le motif, les aplats colorés luttent avec la figuration et la ligne claire.
Yammes offre une vision poétique et transformée de la ville. Dans cet espace de liberté, une expérience hypnotique et singulière nous invite à traverser un parcours urbain hors-normes.
Les immeubles se fragmentent et se mettent en mouvement. Ils débordent sous un équilibre revisité où tout semble permis.
« J’ai découvert l’architecture d’Hunderwasser pendant le confinement. Son œuvre m’a beaucoup inspirée. »
D’autres mandalas surgissent avec un certain panache et participent à l'appréhension de l'humanité bienveillante. Comme pour les villes, elle déforme, multiplie le motif concentrique à la recherche d’une perception spontanée. Une certaine spiritualité s’imprime sous la multitude de tonalités joyeuses qui nous englobent dans une absorption visuelle.
Yammes est atteinte d’une DMLA, une maladie de la rétine provoquée par une dégénérescence progressive. En 2019, elle publie 'Les couleurs de l'ombre' aux éditions Vérone. Dans cet ouvrage, elle décrit le récit d'une grande résilience face à la maladie.
« Aujourd’hui, j’accepte mon handicap et je le vis pleinement. Je sais que je peux peindre, dessiner et que la DMLA est un atout pour mon travail. Elle contribue à mes créations qui sont un moteur pour mon évolution. »