Accéder au contenu principal

Dominique Meunier, entre deux mondes

 

L'Arche de Noé, 2020 - Techniques mixtes sur toile 65 x 81 cm

Son approche contemplative du paysage traduit une vision mystique de la nature et de la vie. Elle met l'accent sur l'importance du rendu atmosphérique et des effets de lumière annonçant le cheminement d’un monde à l’autre.

 

« Nous vivons dans un univers énigmatique où il existe une communication secrète entre le monde naturel sensible et le monde surréel invisible, et je cherche à la montrer »

 

Après avoir vécu une expérience aux frontières de la mort, Dominique Meunier est animé par le désir de rendre perceptible le lien entre le réel, le territoire vital et l’espace ténébreux de la finitude. Un cheminement d’un univers à l’autre tel un voyage dans lequel rien ne se perd et tout se transforme. Sur sa toile, ce passage se traduit par une expansion-rétractation qui se propage de façon circulaire ou horizontale et verticale, de la terre vers le ciel et vice versa. La composition prolifère comme un nuage atomique, capturé dans son éternelle explosion. Dans ce processus de surgissement, le silence prend toute sa place. Il marque une suspension temporelle, un espace dans un ressenti d’éternité.

 

Au gré de son intuition et de la rencontre avec les aléas de la matière, l’artiste intervient sur l’état de bouleversement. Fasciné par l’empreinte du temps sur la matière, il cherche, creuse, racle par touches et effets texturés à l’aide de mortiers biologiques et de différentes pâtes à structure. Avec son couteau, sa truelle et sa main, il élabore ainsi un fond. C’est un travail en mutation vers l’essentiel qui aboutit vers un dépouillement. Il est soutenu par des variations chromatiques relativement sobres, nuancées de bleu, de noir et de crèmes dorées. Puis, à l’aide de pigments naturels, de l’acrylique et de l’huile, le peintre compose des fragments, des accidents.

« Je travaille « alla-prima », dans le frais avec une gestuelle rapide, je dirai presque physique. Là, commence un jeu de construction, de déconstruction et d’épaisseur. Je sculpte, je cherche à magnifier la matière, à la spiritualiser. Je ne fige pas, je m'offre l'opportunité de voir naître la deuxième impression, celle qui, du tourment à l'apaisement, permet d'y voir plus clair. »

 

Tout est question d’avancement et de déplacement. Les mouvements guidés par la main de l’artiste, participent à cette impression de trajectoire ouverte, de sensation de dépassement, au-delà de la limite, de la frontière, vers une destinée travaillée avec le soin de revitaliser sa contingence.

Les effets de textures, d’empâtements et de modulations par ajout et retrait, orientent vers un équilibre dynamique, une impression de continuité. Les ruptures, fêlures et craquelures apportent une forme à l’espace qui relie et qui sépare.

 

« Je cherche à analyser sans cesse les lignes, veines, creux, interstices, les rythmes telluriques et mouvements magmatiques pour ouvrir des passages vers la plénitude du sensible et montrer l’indicible par les flux de lumière sur la toile qui révèlent le divin dans la nature et chez l’homme. »

Dans une logique de lien végétal et organique, l’harmonie du rapport de l’homme à la nature prend une nouvelle dimension. Le peintre vit à la campagne, les arbres entourent son atelier. « L’arbre est énergie, en mouvement perpétuel, souvent dans le presque invisible. Il veut être compris et parle à sa façon. Il prend le corps à témoin et il nous charge de ses messages. Pilier de notre monde intérieur dont il assure l’équilibre, il est le devenir spirituel de l’homme »

 

Arbres, forêts, champs, cieux, montagnes… Les paysages se déploient et offrent un nombre incalculable d’apparences à l’état d’énigmes. Ce sont des terrains de questionnement dictés par l’aléatoire où le spectateur construit sa propre représentation. Des formes abstraites se combinent à d’autres entités syncrétiques ; des signes iconiques, des présences suggérant des perceptions plus archaïques : un christ sur sa croix, un corps, un portail… Ces indices mettent de l’ordre dans le chaos et participent à la capture de l’éphémère. Leur apparition-disparition répondent à l’éloge du geste de l’artiste qui questionne le spirituel.

 

Conçu comme autant de substitutions que de liaisons inattendues, le travail de Dominique Meunier se lit tel un continuum sans fin. De la profondeur à l’illumination, de l’obscurité à la révélation, ce véritable parcours éblouissant de paysages réinventés, bousculés, apporte un morceau de rêve, une porte d’accès où le memento mori résonne. L’extase est poétique, vibrante et mélancolique.