Dans un perpétuel jeu de transparences, de couleurs et de lumières, Nina Urlichs travaille ses personnages en reflet ; un invisible et intense dialogue
qui transmet son mystère.
La superposition de techniques et
de matières lui permet de manipuler la transparence avec tact. Monotype, tissu,
toile, bâche en plastique, papier transparent, calque et autres supports reçoivent
ses jeux de lignes qui laissent émerger des portraits.
Mesurant l’espace, dans un mouvement
presque semblable, son tracé se modifie au fur et à mesure à l’encre, à
l’acrylique, au crayon bille ou au feutre. Les lignes s’entremêlent et
apportent une physicalité picturale aux ombres des figures. L’immédiateté de
son trait et l’absence de repentir contribuent à une gestuelle atypique qui
fige les attitudes sans que l’œil ne se fixe.
Cette proliférante expérimentation
crée de multiples strates en profondeur. Les traits se superposent, se balayent,
se diluent, se répètent sous l’illusion d’une surimpression en flottement ;
un parfait équilibre entre le surgissement et l’effacement du personnage.
« Cette construction laisse la place au
hasard et à la recherche. »
Nina Urlichs, qui avait pour
habitude de travailler l’expression du corps dans son totalité, se concentre
ici dans un cadre plus resserré permettant de se focaliser sur les expressions
du visage. Ses modèles croisent son regard dans le métro, au restaurant, ce
sont des passants qu’elle mémorise ou parfois fige par photographie avant de
les croquer. A y regarder de plus près, on devine leurs comportements qui
oscillent entre apaisement et inquiétude. Leurs humeurs tristes, souriantes,
grimaçantes nous transportent entre la joie et la colère d’individus au
caractère singulier.
« J’ai travaillé des portraits de femmes algériennes pendant la
guerre des années 60. La colère dans leur regard était particulièrement
percutante. »
Les personnages de Nina Urlichs
sont habités de leurs vies propres. La transparence de leur apparition appuie
leur supplément d’âme. L’artiste laisse transpirer leur intériorité en
ré-enchantant leur posture trop statique. En introduisant une panoplie
d’expressions, elle tranche sur la mobilité de leur faciès et capte avec
subtilité le magnétisme de leur regard qui interpelle presque systématiquement
celui du spectateur.
Dans un format intime ou plus
imposant, les figures s’étirent à la verticale et à l’horizontale participant à
une notion de miroir, de reflet ; un face à face, où elles semblent dialoguer
ensemble.
Des dégradés de noirs et de gris
rejoignent une palette terre sublimée par des fonds blancs et crèmes.
« Le blanc permet la recherche de la lumière. Je travaille sur les
creux que j’enduis de blanc, là où je veux de la lumière. La profondeur se
travaille quant à elle avec la nuances des tonalités. »
Le trait rouge, fil conducteur et
véritable ligne de force qui traverse son travail, participe à l’espace
narratif avec une formidable efficacité silencieuse. Nina Urlichs n’énonce pas
et nous laisse compléter l’énigme discursive. Que chuchotent donc ses
personnages ? L’intimité d’une conversation que chacun saura reconnaître.