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Nina Urlichs, le reflet d’une conversation


 
1706  Les trois soeurs, Nina urlichs inc, acrylic on paper and canvas, 50 x 80 cm

Dans un perpétuel jeu de transparences, de couleurs et de lumières, Nina Urlichs travaille ses personnages en reflet ; un invisible et intense dialogue qui transmet son mystère.  

La superposition de techniques et de matières lui permet de manipuler la transparence avec tact. Monotype, tissu, toile, bâche en plastique, papier transparent, calque et autres supports reçoivent ses jeux de lignes qui laissent émerger des portraits.
Mesurant l’espace, dans un mouvement presque semblable, son tracé se modifie au fur et à mesure à l’encre, à l’acrylique, au crayon bille ou au feutre. Les lignes s’entremêlent et apportent une physicalité picturale aux ombres des figures. L’immédiateté de son trait et l’absence de repentir contribuent à une gestuelle atypique qui fige les attitudes sans que l’œil ne se fixe.
Cette proliférante expérimentation crée de multiples strates en profondeur. Les traits se superposent, se balayent, se diluent, se répètent sous l’illusion d’une surimpression en flottement ; un parfait équilibre entre le surgissement et l’effacement du personnage.
« Cette construction laisse la place au hasard et à la recherche. »                           

Nina Urlichs, qui avait pour habitude de travailler l’expression du corps dans son totalité, se concentre ici dans un cadre plus resserré permettant de se focaliser sur les expressions du visage. Ses modèles croisent son regard dans le métro, au restaurant, ce sont des passants qu’elle mémorise ou parfois fige par photographie avant de les croquer. A y regarder de plus près, on devine leurs comportements qui oscillent entre apaisement et inquiétude. Leurs humeurs tristes, souriantes, grimaçantes nous transportent entre la joie et la colère d’individus au caractère singulier.  
« J’ai travaillé des portraits de femmes algériennes pendant la guerre des années 60. La colère dans leur regard était particulièrement percutante. »

Les personnages de Nina Urlichs sont habités de leurs vies propres. La transparence de leur apparition appuie leur supplément d’âme. L’artiste laisse transpirer leur intériorité en ré-enchantant leur posture trop statique. En introduisant une panoplie d’expressions, elle tranche sur la mobilité de leur faciès et capte avec subtilité le magnétisme de leur regard qui interpelle presque systématiquement celui du spectateur.
Dans un format intime ou plus imposant, les figures s’étirent à la verticale et à l’horizontale participant à une notion de miroir, de reflet ; un face à face, où elles semblent dialoguer ensemble.

Des dégradés de noirs et de gris rejoignent une palette terre sublimée par des fonds blancs et crèmes.
« Le blanc permet la recherche de la lumière. Je travaille sur les creux que j’enduis de blanc, là où je veux de la lumière. La profondeur se travaille quant à elle avec la nuances des tonalités. »
Le trait rouge, fil conducteur et véritable ligne de force qui traverse son travail, participe à l’espace narratif avec une formidable efficacité silencieuse. Nina Urlichs n’énonce pas et nous laisse compléter l’énigme discursive. Que chuchotent donc ses personnages ? L’intimité d’une conversation que chacun saura reconnaître.