Si une lettre seulement et quelques années de modernité éloignent Geoffrey Dugas du grand peintre avant-gardiste des figures montmartroises, l’artiste s’intéresse, quant à lui, à d’autres impressions.
Entre peinture et musique, son travail s’inscrit dans une lignée romantique, de synesthésie. C’est le croisement, la correspondance des sens, le rapport mêlant l’ouïe et la vue ; la perception du son, de la lumière et de la couleur qui le fascinent. Devant la toile, le spectateur est accompagné d’une musique, sa musique. Geoffrey Dugas utilise ses compostions sonores comme un espace stimulant de l’imaginaire pour apporter un soutien narratif à la toile. « Je veux emmener le spectateur, lui donner de l’information pour qu’il fasse ensuite son propre chemin, sa propre mixture. Ce n’est qu’une proposition » avoue t-il.
Le va-et-vient de l’intime
Devant ses toiles musicales, des sensations propres et personnelles naissent comme des associations imaginaires, involontaires, automatiques et mémorables avec une charge affective, semblable au transfert. Un voyage vertical, intimiste entre le conscient et l’inconscient d’une subtile gravité. L’artiste va chercher dans ce qui le touche le plus, des événements de sa vie ou les sensations et les impressions qui en résulte, comme un travail psychanalytique. Inside, Mon château ou le diptyque Pour qu’elle vive, transcrivent parfaitement ce processus. L’artiste est en quête de Perpétuitude ; l’habitude dans la perpétuité comme il le définit, cette faculté que l’on a de sortir de nos habitudes à travers l’inconscient. « Je m’intéresse particulièrement à l’inconscient et à la psychanalyse pour essayer de me rapprocher de moi même et des autres. » poursuit-il.
Définir ce qui fait sens musicalement et plastiquement
« Les lois d’harmonie de la peinture et de la musique ne sont-elles pas les mêmes ? » En 1908, Henri Rovel évoquait ici le succès de la color music, courant qui aura une grande influence sur les œuvres de Kandinsky, Larionov ou encore Kupka, autre maître de l’abstraction.
Comme eux, Geoffrey Dugas reconnaît l’impact de la vibration musicale sur le travail d’abstraction picturale. Considérer les sensations musicales liées à la lumière et à la couleur, comme caractères et valeurs différentes, suscitent en nous des états d’âme.
La maîtrise du spectre
Il y a dans l’intention de Geoffrey Dugas, l’impression de couleur atmosphérique, une couleur parfois unifiée, troublée par le contraste. Une modulation qui glisse d’un ton à un autre. Quelque chose de très émotionnel que l'on ne doit pas admirer pour des raisons d'ordre technique mais que l'on doit éprouver.
Sans perte de contrôle, le geste de Geoffrey Dugas oscille entre tension et relâchement. La dynamique de son trait vif, sans repentir ne manque pas de véhémence. Au sol sur tréteaux, il projette, répand avec la spatule, le pinceau. Les traits se font et se défont entre entrelacs et masses colorées. L’artiste met la peinture à l’épreuve. Elle dérape, patine, glisse suinte. Un maillage complexe de nœuds que Lacan aurait apprécié. La peinture de Geoffrey Dugas s’invente en se détruisant. Pas de planéité, c’est le relief et la matière qui prime. Sur toile ou sur bois, il utilise un mélange de colles vinyliques, de cols à carrelage pour un effet poreux, des teintures à bois, du brou de noix, de l’huile, de l’acrylique, de la Glycéro, et autres peintures de bâtiment avec des dilutions à l’alcool aux lavis. L’artiste aime disperser la matière et travailler l’aspect diffus, anticiper et maîtriser le séchage, cette étape où l’alcool s’évapore et ne laisse que les traces, les spectres de son passage.
Geoffrey Dugas est né le 3 novembre 1981.
Il vît et travaille à Montreuil (93).
http://fr.myspace.com/Geodugas