Abandonner l’armure charnelle de ses corps dorés était comme une évidence. Avec cette nouvelle série, l’artiste poursuit son exploration du corps vers une sublime économie de l’essentiel.
Carole Fournet choisit de dépouiller ses îcones convulsives jusqu’à l’os. Les corps se fragmentent cette fois sur papiers cartonnés assemblés au format raisin et double raisin. Clins d’œil au jeu collectif poétique des surréalistes, ses cadavres exquis ne se construisent pourtant pas par hasard. Ils sont savamment étudiés auprès de modèles réels ; des ossements chinois. « La Chine est une ouverture humaine exceptionnelle, j’ai utilisé l’inspiration de mon voyage à Shenzhen pour enrichir mon travail sur le corps » nous confie l’artiste qui signe sa série au tampon calligraphié de son nom en mandarin.
Contrastes à double tranchant
Carole Fournet manipule les os jusqu’à se les réapproprier pour vriller vers une perspective déconstruite et imprévisible du squelette. Les Lignes heurtées et hachées s’affirment à l’encre et au feutre noir puis l’eau, la colle et le scotch viennent suturer certaines articulations apportant une surface lisse, un reflet. Ces pansements transparents chahutent la planéité et procurent un relief écrasé. L’usage majoritaire du noir et du blanc contraste parfois avec la couleur franche et tranchée d’un papier sur lequel le squelette est apposé. Une apparente frontalité d’un assemblage parfaitement maîtrisé.
Les joyeux travestis du réel
Ces variations reconstituées ne manquent pas d’humour noir. Elles évoquent même le romantisme osseux et amusé de Tim Burton. Souriants et dentelés, les squelettes affichent leur cynisme. Parfois une joyeuse civilité sous les traits d’une coquetterie décomplexée. Boucles d’oreilles et sacs à main en guise d'accessoires singent l’inexorable préciosité humaine. D’autres farceurs dansent sous des envols de papillons. Cette burlesque imitation de la vie réenchante la représentation de la mort. Une allégorie délicieusement macabre qui redéfinit, avec ses nouveaux objets symboliques, la vanité. « Memento Mori » (Souviens-toi que tu mourras), comment ne pas considérer l'inutilité de s'attacher aux plaisirs de son temps ? « Mes cadavres sont vivants, je suis dans la vie ! » conclue l’artiste.