Bernard
Foutrier sculpte le bois plein, le bois de rivière d’Armançon ou encore le bois
de vigne de Chablis. Avec l’opinel et la gouge, il creuse, casse, déconstruit,
fragmente, nettoie pour trouver la stabilité des formes. Une quête perpétuelle de
la posture vers le point d’équilibre.
Dessin , 1973 |
« L’ordre né du désordre, c’est un principe
que j’ai toujours défendu dans ma vie. » L’artiste, qui, petit voulait
être révolutionnaire professionnel, a côtoyé toute sa vie la sphère politique. Fin
analyste du communisme, il se définit comme « l’homme des équilibres
impossibles. » Mais lorsqu’il sculpte, le discours disparaît. « Mes sculptures n’ont pas de visée
idéologique, je ne veux pas interpeller, mon travail marque la distance avec la
société » poursuit-il.
Ses premiers traits naissent pendant la
révolte spontanée de 1968, des dessins d’héritage surréaliste. « Le drame
des surréalistes est de croire qu’ils produisaient des choses nouvelles. Nous
sommes comme nos frères, ni mieux, ni moins bien. » Dix ans plus tard, Bernard Foutrier délaisse
la planéité de ses œuvres pour donner naissance à ses premières sculptures,
expressions spontanées immuables d’une nouvelle surface, laissant s’épanouir la
forme inconsciente.
Construction spontanée
L’artiste dégage les lignes sans savoir jamais
où il ira. Sa technique est involontaire, sans construction ou maitrise de la forme
finale, laissant s’accomplir la matière. Partisan des lignes courbes plutôt que
brisées, il assemble les traits pour effacer la trace et parvenir à l’harmonie.
« Le but de l’art c’est l’ensemble harmonieux. J’ai horreur des
sculpteurs qui laissent les marques » confie t-il. 200 à 400 heures de
travail sont nécessaires pour aboutir à la perfection. Un procédé minutieux où
les détails sont conformes à l’ensemble. Douceur, volupté… Le corps torsadé d’une
femme se devine avec grâce. L’alternance des pleins et des vides transcende le
réel donnant à ses compositions une ambivalence troublante qui fait écho
simultanément à l’abstraction et la figuration.
L’œuvre transitionnelle mobile
Bernard Foutrier sculpte en marchant.
« L’avantage c’est que ma sculpture devient mobile et soudain toutes les
lignes apparaissent. » Dans la rue, l’oeuvre se transforme en objet
transitionnel, permettant l’échange entre le passant et l’artiste. Une
générosité affichée qui caractérise l’artiste-humaniste, toujours en quête de
transmission.