La dernière série de Carole Fournet révèle d’abord un chef d’œuvre de l’architecture française ; le château de Maisons-Laffitte.
Pour comprendre ce lieu à la beauté singulière, elle réalise des croquis au fusain, au feutre, ou encore au stylo bille. Pierres,
sculptures, ferronneries, peintures, plafonniers, cheminées, escaliers, moulures, ornements ;
les détails précieux sont visités avec minutie. Une véritable étude
au caractère sériel qui témoigne de sa pratique du dessin, non sans lien avec
la méthode du Quattrocento italien acquise après dix années de pratique auprès
d’un maître florentin.
Carole Fournet scrute puis reproduit avec une aisance et unefidélité
remarquable les scènes d’état et de pouvoir mais aussi les anecdotes angéliques et amoureuses.
Car ce sont avant tout les péripéties des hommes et des femmes de renom, personnalités
de l’Histoire de France qui ont vécu dans le château qui retiennent son attention. L’artiste fait jaillir les individualités affirmées et
charismatiques, remémorées par l’Histoire qui les absorbe.
Au 17e siècle Monsieur de Longueil et son mariage
de raison qui se transformera en amour passionné pour sa femme Madeleine
Boulenc de Crévecoeur laisse un passage romantique au château. Comme celui, un
peu plus tard, de Louis XV et de la marquise de Pompadour qui cherchent une
demeure en bordure de Seine. Fin 18e, le comte d’Artois, frère de Louis XVI et
futur Charles X réalise d’importantes transformations intérieures laissant une
emprunte d’époque.
Les styles se mêlent avec une harmonie sans pareil.
L’antique côtoie la renaissance et le néo-classique. En
témoigne le médaillon antique à l'effigie de Louis XIII placé au centre de la
cheminée monumentale de la chambre d’apparat de Monsieur de Longueil. Ou même
le bas relief sur cette même cheminée mettant en scène le triomphe de Louis
XIII sur un char, tel un imperator romain, suivi de captifs enchainés.
Après une observation académique et une parfaite reproduction
du réel, Carole Fournet ajoute des éléments
fictionnels. Elle recompose la narration en allant à la rencontre de nouvelles
figures qui surgissent. La quête de la ressemblance se libère vers une quête du
ressenti sur grand format.
« J’ai la liberté d’aller ailleurs, de laisser aller
mon trait au-delà de l’académisme mais c’est un cheminement qui demande de
l’investissement » nous confie t-elle.
La matérialisation des corps n’est pas désincarnée. La
dimension humaine croise la dimension animale pour engendrer des créatures
inédites.
Des oiseaux-anges, étranges imposants, empruntes picturales
chères à l’artiste, dialoguent avec les anges du château. Des chevaux ailés,
chimères d’aujourd’hui pourraient être les descendants des occupants des
écuries, aujourd’hui disparues et anciennement situées de part et d’autre du fond
de l’avant-cour. Des aigles aux ailes déployées (symbole des Longueil) qui
apparaissent, entre autres aux angles du vestibule central, se
transforment majestueusement sous l’œil
de l’artiste.
Fragmentés sous une distorsion imprévisible, les incarnations fantastiques ne sont pas
produites à l’échelle. Elles transgressent une frontalité apparente sous un
lien physique et sensuel. Les deux mondes se côtoient sous une fraternité
certaine. Ces juxtapositions induisent la possibilité d’un récit nouveau. Puis Carole Fournet chahute avec l’apparat. Des paillettes
Swarovski ornent les toiles, évoquant
avec une nouvelle planéité les détails incrustés, artifices baroques des
œuvres originelles.
L’artiste s’approprie l’Histoire pour mieux parler du
présent, bousculant avec contemporanéité la grandeur et la noblesse de l’art. Sa
démarche plasticienne se situe à l’inverse de l’art académique qui fige et
éternise l’éphémère. Du figé vers le vivant, Carole Fournet respecte et
réveille la mémoire en révélant une charge symbolique du passé. Sa vision est actuelle,
sans contradiction, d’une unité ultime.