Les créations hybrides de la série « Résonnances » du photographe-plasticien, Bruno Clochard oscillent entre l’argentique et le numérique, entre le réel et l’abstrait. Un choc esthétique où l’abstraction de la matière plastique est révélée.
Ce créateur d’images
utilise un procédé technique de photo-graphisme aux combinaisons complexes. Son support est une
photographie figurative ou non sur diapositive 24X36 couleur. Ce n’est pas
l’image qui fait sens mais sa transformation.
« Déposée à plat dans un
bac métallique, je la recouvre d’une plaque de fer que j’immerge sous l’eau. Le
mille-feuille se repose l’hiver dehors laissant les intempéries ; le soleil, la lune, la pluie, la neige ou la
glace interagir afin de créer une matière visuelle sur le support. L’eau va
dissocier la pellicule chimique, l’image en l’occurrence, posée sur le
support. Au printemps, elle finit par
s’évaporer, générant de la rouille entre les métaux, une pellicule d’oxydation
se déposera sur la surface du film négatif. Je
souligne les effets de gravure à la pointe métallique sur la surface du
film, puis je les brûle. Pour révéler ce qui s’est produit dans le processus en
amont, je réalise ensuite un scanne en très haute résolution pénétrant au cœur
de la matière plastique. La macro photographie du négatif est retravaillée et
colorisée sous Photoshop avant d’être imprimée sur papier Mat Hahemlule
Photo Rag 308 g. »
Fusion / F-24 |
Bruno Clochard
confronte les techniques mixtes et les temporalités pour installer l’expérimentation du motif dans le temps. Sa facture
ouvragée célèbre tant la main de l’homme que l’impact du cycle naturel des
saisons. L’écho, la résonnance de la nature à la matière, examine l’impact du
dehors pour mieux examiner au-dedans. En observant la déstructuration du
support, il joue avec les limites de sa plasticité. De l’exploration à la
composition, de la photographie à l’abstraction pure, il propose une tentative
de l’entre-deux, nous laissant errer entre matérialité et immatérialité.
«J'aime
l'idée de perdre
le regard du spectateur ; il se demande si c’est de la peinture, de la
gravure, ose parfois le mot photographie, ou fuit en entendant le mot numérique. »
L’artiste semble fasciné par la tension dialectique entre le visible et
l’invisible.
Il s’attèle à la représentation du monde dont le mutisme révèle la
vacuité des signes et la disparition du réel. Le blanc, néant, devient la
tonalité dominante laissant la prolifération anarchique et évolutive du
représenté se dissoudre à la surface. Le cytoplasme organique, imperceptible à
l’œil nu, apparaît dans ses états modifiés. Ces spectres naturels de la matière ne sont pas sans rappeler les
méthodes occultistes de la fin du 19e du militaire-photographe Louis
Darget qui s’attachait à enregistrer la « force rayonnante, créatrice, presque
matérielle » de la pensée et du fluide vital.)
Fusion / F-5 |
L’œuvre hypnographique de Bruno Clochard révèle l’altération de notre
propre perception. Ces espaces étranges confinés à l’abstraction articulent
notre regard sur l’image transfigurée, pointant la charge émotionnelle et
proprement illusionniste de la photographie.
« Je cherche à extraire
l’essence imaginaire, à redonner
vie à
la matière photographique déformée. Non pas à la détourner de son sens mais espérer
m’approcher de son
sens caché. Voir autrement au-delà des apparences. Ces ambiances et ces
expérimentations nous amènent ainsi aux portes de l’émotion et du rêve. C’est
dans ces espaces infinis, insolites, aux confins de notre imaginaire, que la
beauté de ces mondes prend tout son sens (…) Je suis un témoin, un traducteur, un chasseur
d’empreintes et j’essaye de leurs redonner vie. »
Avec une
volonté de perturber sans pour autant effacer, Bruno clochard souligne les
potentialités de fiction des images, leur condition accidentée, leur capacité
d’abstraction, d’apparence, de rêve. Son
territoire commence où la photographie n'est plus ou pas encore. Un véritable
plongeon dans l'infime pour explorer l'infini.