Être céramiste c’est s’inscrire dans une double filiation des possibles, entre la maîtrise et
l’aléatoire, entre l’exécution et l’expérimentation.
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William Sarter cristallise les émaux sur porcelaine. Il y a d’une part la forme
rigoureusement construite et d’autre part le motif indéterminé des cristaux. La
forme, son volume et ses dimensions se contrôlent au tournage. Une technique qui
enferme traditionnellement dans le cercle et à laquelle William Sarter propose une alternative. Son profilé se
dessine généralement en amande, une emprunte de prédilection de l’artiste
inspirée de l’art roman. Puis la composition se supplée à la contemplation,
transformant le geste créateur en geste observateur. William Sarter œuvre avec
l’indomptable, il recrée sans toucher. L’émail appliqué sur le volume se livre
à sa mutation contingente. Le champ des possibles s’ouvre. « On
peut prendre comme analogie la formation du givre sur une vitre en hiver.
Paradoxalement, la cristallogénèse se produit à haute température (vers 1100°)
autour d'un noyau de cristallisation, impureté présente dans l'émail en fusion.
Un maintien à cette température d'une dizaine d'heures permet au cristal de
croître. Même si je sais à peu près quelle sera la sortie des couleurs, je n'ai
aucun pouvoir sur le résultat final du motif, je laisse faire la magie du feu,
c'est cela qui m'intéresse.»
William Sarter puise dans la tentation de
l’imprévu avec
une exigence quasi paradoxale, celle de capturer une présence évanescente pour
en exposer la permanence.
Le feu éveille dans sa profondeur les gammes de
vibrations nuancées. Les tons opaques au plus translucides s'unissent en valeurs
calmes. Un azur clair, un vert prés, un blanc neige, un ambre charnel dominent leur
tonalité, d’autres bleus nuit se mêlent aux jaunes rayonnants et aux oranges
crépusculaires. L’extrême chaleur aboutit à l’ultime douceur sous la clarté
d’une virginité minérale éternelle. Un esthétisme
délicat non sans rappeler la fragilité de la vie et de ses saisons que la
nature assaille autant qu’elle s’y fond. Devant cet accident esthétique, cette
catastrophe naturelle, un
sentiment générateur de fascination grandit et réunit ciel et terre. La beauté du chaos s’affirme sous la puissance de la forme et l’harmonie du matériau, liant
les horizons d’un naturalisme sensible à la dimension atmosphérique. L’œuvre
contemporaine de William Sarter affirme sa valeur décorative et contemplative.
De main de maître, face à l’énergie des éléments, il réalise des surfaces
cartographiées, spectacles
extraordinaires d’une représentation d’un monde où les points d’impact sont des
entailles poétiques d’une libre phénoménalité, là même où l’émerveillement ne
trouve aucune halte.