Anne-Lise Hammann Jeannot peint à l’acrylique sur toile. Sa préoccupation abstraite
s’incarne dans le flou, le fondu, le dilué qu’elle travaille au pinceau brosse.
Sa palette met en abîme des tonalités crépusculaires du bordeaux, rouge de
cadmium foncé aux oranges nuancés.
Prélude, 2013,
acrylique sur toile, 73 x 54 cm.
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Des aplats de formes géométriques carrés et rectangulaires se
dissolvent en volutes pour créer plusieurs espaces qui s'interpénètrent,
laissant libre cours au hasard. Ils se devinent comme des apparitions que l’on
ne peut saisir que partiellement. L’aspect de fluidité se confronte à la
puissance de la forme.
Dans cet espace qui reste en deux dimensions et
sans épaisseur, toutes les combinaisons semblent possibles. A
l’endroit d’une action en train de se faire, l’artiste choisit d’exposer
l’instant fragile. Le chaos, big-bang merveilleux retient l’explosion
entre infime et infini. Il explore cette tension entre le visible et
l’invisible. La galaxie se déploie entre frénésie et poésie. Elle troue les
cieux par brûlures et érosions. Le magma se voit perturber par un éclair
lumineux, une révélation divine qui scande avec invincibilité la toile sous
forme d’aplat à tonalité blanche. C’est une fenêtre vers l’autre monde. L’enfer
et le paradis ne sont qu’à un pas.
« Je cherche à créer une émotion et pour
cela j'essaie de suggérer, de faire sentir une atmosphère, de traduire la
lumière, la profondeur et l'espace pour que le spectateur puisse s'y plonger. »
Le
ressenti est physique et immédiat. Chargés à la fois d’inquiétude et de
confort, les travaux d'Anne-Lise Hammann Jeannot nous transporte vers un rêve
éveillé où l'état de mouvement constant est celui de la métamorphose et de la
tentative de fusion. Cet élan intime s'adresse à chacun, capté de l'extrême
coin de l'œil de manière infime dans une sorte de dialogue secret,
informulable.
Nous sommes spectateur de cet inter-espace à la charge
fantasmagorique incertaine qui attise l’intérêt autant qu’il perturbe.
L’artiste souligne les potentialités qui nous entourent,
leur condition accidentée, leur capacité d’abstraction, de survie. Elle
revendique une vision lyrique et naturelle.
« Dans la nature, il y a à la fois l'espace, l'immensément
grand et l'infiniment petit, et le silence. Ces éléments sont pour moi le point
de départ de la création. La nature contient ce qu'il y a de plus merveilleux,
la vie. Il s'agit juste de savoir regarder, garder intact notre capacité
d'émerveillement, d'être attentif à la lumière entre les branches, à la couleur
des pierres ou à celle du ciel. »
L’oeuvre d'Anne-Lise Hammann
Jeannot est une catastrophe naturelle
à la beauté extatique. Une Némésis optimiste et absolue. Une impression de vie
fascinée et fascinante. A la fois impalpable et synonyme d’authenticité qui
nous absorbe dans la contemplation et la plénitude.