Pour Jean-Jacques Delmotte peindre est une tentative
de se fondre, se glisser entre les grains du papier, dans la trame de la toile,
voyager tel un passager curieux au cœur de paysages intérieurs sans frontières.
L’artiste évoque ses
émotions sans passer par la représentation. Il peint des paysages abstraits de
nulle part, compose
des terres imaginaires où les représentations sont une vue de l’esprit plutôt
qu’une représentation réaliste.
Son appréhension du
territoire est une errance subjective où la dérive devient liberté. Il peint au sol à l’aide du pinceau ou de la brosse
sur papier Népal ; un support artisanal irrégulier avec ses épaisseurs
qu’il maroufle ensuite sur toile.
Sa technique mixte à l’acrylique, l’huile, l’encre de
chine ou encore le pastel se concentre autour du geste.
« Dans
ma recherche, il y a toujours quelque chose de violent dans le geste. C’est
souvent brutal et en même temps équilibré parce que j’explore toujours cet
équilibre entre le vide et le trait. J’ai été très influencé le peintre
indien Rajendra Dhawan que j’ai beaucoup côtoyé. Chez ce dernier, il y a
toujours des coloris siennes avec des masses qui s’équilibrent, une économie de
moyens et une réelle intériorité.
J’apprécie
également Olivier Debré, peintre français majeur de l’abstraction lyrique pour la qualité du vide de
ses très grands formats. »
Le champ chromatique composé d’une palette de couleurs
sombres, douces et calmes évoque l’énergie et les forces de l’esprit.
L’abstraction est matinée d’un naturalisme discret. Les traits délicats de son
pinceau fusionnent les limites entre l’espace tangible et le condensé, entre le
vide et le plein. Sur ces fonds fluides, des accents vigoureux
apparaissent ; des traits noirs diffusés avec sensualité impriment la
marque visible et décentrent la composition. Le « hors-champ » capte
autant l’attention. Sa valeur contemplative et atmosphérique, souvent parmi les
impressions couleur sépia renforcées par des glacis à l’huile, offre un nombre
incalculable d’apparences. Offertes à l’état d’énigmes, les peintures de
Jean-Jacques Delmotte sont des terrains d’apparition où le spectateur construit
sa propre représentation. Il fait correspondre quelques détails insaisissables
à des possibilités de récits, un scénario à choix multiples ; lieu de
lectures et relectures dictées par la poésie. Ce moment extraordinaire flotte
dans les airs, s’échappe et revient. L’apparition-disparition répond à l’éloge
du mouvement et du geste de l’artiste. Tout est histoire de déplacement. Un va
et vient subjectif, un voyage, une
évasion intérieure. Le moindre trait se transforme, mute et devient l’élément
d’une histoire personnelle sans paroles, sans fin ni intrigue. Les œuvres de
Jean-Jacques Delmotte sont un morceau de rêve réapproprié par notre
inconscient. Une porte d’accès, une douane vers un nouveau monde qui en appelle
un autre. Une sorte d’échos de couleurs et de gestes. La couleur soutient le
geste puis le geste brouille la couleur. Ce jeu d’équilibre est un véritable
parcours d’éclairs lumineux, de paysages
réinventés, bousculés, recommencés, d’une singulière inventivité.