Accéder au contenu principal

Victor Sasportas, terra incognita universelle

La foule, acrylique sur toile, 130 x 89 cm




Victor Sasportas s’intéresse à l’Homme, il puise son inspiration dans l’observation du flux humain. L’artiste humaniste est né à Mogador, ville fortifiée du sud du Maroc qui deviendra Essaouira. Il évoque sa passion pour la peinture depuis l’âge de sept ans. Ses œuvres organisent des territoires hétérogènes issus de son imagination, peuplés de motifs récurrents. Une ornementation topographique composée, par exemple, de personnages hauts en couleur, amassés en rassemblements épars qui n’étouffent pas la surface.
Ce conglomérat de figures est d’une étonnante spécificité.
Malgré l’abstraction dominante, le trait est précis avec une volonté de susciter le rapprochement du spectateur. L’attraction repose sur un procédé et un mode de vision ludique. Sur une toile blanche, quelques grandes lignes naissent d’abord au fusain, des personnages se dessinent puis c’est la matière qui entre en jeu au pinceau ou au couteau avec l’acrylique et autres liants. Les points de vue en plongée et contre-plongée miniaturisent  et accentuent à la fois les personnages, déformant les lignes fuyantes et appuyant la perspective. Cette distance-présence, ce va et vient signifiant permet au spectateur de regarder la scène de haut et en même temps de s’ y immiscer via un effet de proximité qui l'implique directement.
« J’avais imaginé la foule, probablement en sortant d’un match de football, j’ai commencé à poser mes personnages et une forme, un territoire évoquant la France est apparu. Puis la série est née d’une commande sur le thème de la géographie avec toujours cette notion de territoire et des personnages migrants de toutes parts. J’aime lier l’idée d’abstraction géométrique avec l’expression, le mouvement, le regard…  Les personnages m’intéressent, ils ont un sens. » 
Chaque personnage apparaît comme une présence unique en circulation. Un paradoxe visuel qui souligne l’immobilité de la peinture et le déplacement, l’instabilité de la scène. Tout semble prêt à disparaître ou à se transformer d’un moment à l’autre.
La liberté du mouvement se lie à la richesse de la palette. L’artiste multiplie les couleurs sans aller jusqu’à la saturation visuelle. Il rassemble des éléments coordonnés, harmonieux sous des tonalités primaires, rouges, jaunes, bleues, d’une puissance esthétique franche.
« Je m’exprime avec beaucoup de couleurs. La couleur c’est la vie, c’est la liberté ! Une toile n’est jamais aboutit mais la couleur peut y contribuer. »
Aussi universels qu’implacables, les travaux cartographiés de Victor Sasportas soulignent la place de L’homme dans son environnement, une terra incognita d’ici et d’ailleurs qui appartient à chacun. Les frontières géographiques érigent des remparts contre la fatalité. Elles miment la nécessité de notre existence au monde et à la cohésion fraternelle. Une société individualiste fascinante dans laquelle intérêts particuliers et collectifs viennent à se confondre. La réalité citoyenne surgit de l’abstraction, accroche notre œil pour réapparaître sous un autre angle et une autre couleur.
Enfin, les œuvres de Victor Sasportas désamorcent la revendication et le potentiel subversif pour glisser vers une part de rêverie et de contemplation. Habitées et passionnées, elles ouvrent vers une esthétique à nulle autre pareille.