Père Antoine, huile
sur toile, 210 x 140 cm
Jean-François Veillard peint à l’huile sur
toile. Il dessine au préalable des croquis avant d’agencer la couleur au
pinceau.
Son parcours de formation lui apporte une
maîtrise du savoir-faire et de la précision qu’il remet ensuite en question.
« Ma
peinture est expressionniste, je veux que l’on sente le geste avant tout. »
L’artiste
brouille ses miroirs polis et déjoue sa technique trop efficace pour saborder
son talent figuratif. Il s’attache au geste plus qu’au
précis, à la perspective plus qu’à la morale.
C’est l’être humain, la vie, la folie de
l’Homme, la chair et ses travers qui l’intéressent.
Des personnages fantasques d’aujourd’hui se mêlent à des créatures surréalistes issues
des fables et légendes d’hier. Un joyeux équilibre dense à lectures multiples où
la réalité,
la fiction et les différents niveaux de récit s’entrechoquent.
On y croise Saint-Georges terrassant le
dragon, Saint-Antoine succombant aux tentations, quelques auxiliaires de vie ou
autres nymphes dénudées, ornées d’un appareil technologique dernier cri.
La structure narrative souligne l’achronie.
Elle entraîne
la présence de ces personnages à la chair bouffie, parfois sanguinolente,
saisis dans une situation, un lieu non identifié hors du temps. L’instance tragico-comique organise le point
de vue dans un esprit Comedia del arte
où le masque peut devenir l’élément récurrent.
« Mes
personnages sont des images que l’on voit partout. Ce sont des personnages anciens
mais insérés dans le temps présent. Ils correspondent à des événements actuels
et racontent une histoire à plusieurs clés. »
Les
individus sont presque beckettien, prisonniers de leurs conditions, exposés à
la torpeur d’une menace sourde, à la fois drolatique et dramatique.
Des animaux ; chiens, chimpanzés, cochons
font aussi partie de la farce. Cette mise à l’épreuve frise parfois
l’absurde.
Les travaux de l’artiste sont des histoires
bavardes, des rêves fiévreux où tout se transforme et mute. L’argument magistralement
neutralisé, se laisse réapproprier par l’inconscient. Il interroge sur sa capacité
presque magique de projection.
Le bestiaire côtoie quelques vanités, autres témoins
d’une certaine magie noire, amusée et dérisoire. La mort est montrée comme le
rendez-vous de tous les vivants.
Les scènes d’intérieur ouvrent sur
l’extérieur par le biais d’une petite fenêtre, systématiquement présente en
arrière plan. Cette porte d’accès vers le mystère, une étrangeté non
cloisonnée, renforce le brouillage d’unité de temps et de lieu.
Il est certain que la peinture de
Jean-François Veillard est joyeuse et profonde. Elle combine librement humour, adaptation de
faux sérieux et de réelle réflexion. Elle nous transporte vers une atmosphère
fantastique où la déviance incite d’elle-même à transgresser le réalisme.