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Marie-Odile Florin, les lignes du mirage

 Sans titre, huile sur toile, 80 x 80 cm

Marie-Odile Florin peint à l’huile à l’aide de la brosse, du spalter ou du couteau, de préférence sur un format carré. Sans empâtement ni ajout de matière, sa surface reste plane. Par couches successives, elle obtient l’intensité et la luminescence des couleurs ; une palette franche où les aplats apportent un contraste équilibré. Pour fusionner les tons et jouer de cette ambivalence qui favorise la transparence, elle procède par flou inachevé et flou dilué.
« Le dilué me permet de faire transparaitre la couleur sous-jacente qui anime le tableau. Quant au diffus il apporte douceur et suggestion. Je peins par instinct, sans modèles mais avec des thèmes de prédilection comme les ouvertures, les horizons. L’espace, la mer, le ciel, les reflets m’inspirent particulièrement. »
Le flou vient rétablir le sensible dans son évidence indistincte. On reconnaît ici un commencement de pensée de ce que Leibniz appelle une « perception claire et confuse. »(1)
Dans cette confuse clarté, cet état limite de la perception, des évidences apparaissent. Des éléments géométriques ; carrés, rectangles aux tranches faiblement exprimées, opposent ombre et lumière, profondeur et relief. L’artiste adoucit les contours des formes pour permettre une transition progressive d’un ton à un autre.
L’évidence de la figure s’affirme comme une acceptation. Entre un moment sensible et rationnel, entre la perception par la raison et la perception par les sens, le spectateur perçoit ses propres vibrations. Une présence-absence, une apparition-disparition qui s’évertue à croiser l’obscurité et la luminosité. Un mélange de nuit et de plein jour qui pourrait se définir comme un entre-deux crépusculaire. 


Sans titre, huile sur toile, 100 x 81 cm

La grâce et la légèreté de la touche s’affichent comme une caresse picturale. Marie-Odile Florin fond les couleurs, pour les noyer, les dépouiller de leur sécheresse. L’ensemble uni et fondu renforce l’illusion et l’invisibilité.
Travaillée comme les lignes d’un mirage, la technique de l’artiste se fait oublier au profit de l’œuvre qui devient accessible immédiatement.  Elle ouvre la porte d’un monde intelligible et foisonnant qui multiplie les surfaces de projections physiques et mentales.
Rêveries ouatées, terrains imaginaires arrivent par surprise. Notre inspiration est prise en filature, entre raisonnement et extase poétique. Rien n’est élucidé. La projection est délicatement posée, simple et réversible, sans conséquence. L’exaltation du questionnement ne cache pas sa nature. Pourquoi élucider la fameuse question de eodem et diverso (le même  et le différent) ?
Méditative, intériorisée mais bavarde, la peinture abstraite de Marie-Odile Florin ne se laisse pas définitivement enfermer. Elle est à la fois lyrique, géométrique et gestuelle pour aboutir à une pureté visuelle. Son apparente unité formelle dissimule une multitude de solutions picturales. Elle élargit le champ des émotions pour notre plus grand plaisir.   

(1) Méditations sur la connaissance, la vérité et les idées, [1684], in Leibniz, Opuscules philosophiques choisis, Paris, Vrin, 1978, p. 9-10.