Après l’écriture et la
peinture, c’est aux Beaux-Arts qu’elle découvre sa passion pour la terre. Françoise Pallier modèle et sculpte le grès chamotté. Elle mêle cette argile dense,
brute et granuleuse à la porcelaine blanche et lisse. La matière s’anime sous
ses doigts pour se réveiller sous la chaleur du feu du four de son atelier à
1280°C. A cette température, le grès gagne en opacité face à la porcelaine qui
affine sa transparence.
Les pièces en grès
sortent pain brûlé du four et sont ensuite travaillées à la patine et à la
cire. Les pigments maîtrisés à froids portent leur marque d’authenticité et
soulignent ce jeu de juxtaposition de matière. Grâce à la résistance des
matériaux, cette dualité esthétique s’accouple avec style pour l’intérieur
comme pour l’extérieur.
Françoise Pallier
retient l’essentiel et se débarrasse de l’anecdotique. Son œuvre inspirée de la
musique et des écritures émerge avec sens de l’art sculptural.
« J’ai toujours aimé l’écriture et le chant. J’utilise
des plaques en carton d’orgue de barbarie détachées et imprimées sur la terre
molle. Tout ce qui est en vide est monté
en relief. Le son qui sort d’un vide m’a toujours étonné comme le rythme des creux
sur ces plaques qui m’inspire particulièrement. »
Ce goût pour les
matériaux d’antan que sont le grès ou la céramique témoigne d’un certain
symptôme de la permanence des créateurs d’aujourd’hui. Françoise Pallier est
une artiste de son époque. Ses œuvres sont à la fois classiques et
contemporaines avec cette présence intérieure qui peut évoquer un Art tribal
revisité.
« Archives », casier
d'imprimeur et petites plaques de porcelaine imprimée d'écritures,
65 x 44,5cm,
(détail de la pièce)
L’artiste compose
avec des objets à l’empreinte imprimée du passé pour les transposer et les transformer
sous une vision actuelle, sans perdre l’énergie primale.
D’une parfaite
unicité, ses travaux naissent sous différents supports. Les œuvres au design
pur et radical de Françoise Pallier donnent matière à l’immatériel. Un répertoire de formes et d’idées dont la qualité commune réside dans leur
essence même. Elle fabrique des
colonnes de 2m30 de hauteur constituées de plaques montées sur des poutrelles
de chantier et des barres de métal dans lesquelles elle peut insérer de la
lumière. Elle accroche au mur un rideau de terre avec de la
filasse de plombier, tronçonne la poutre d’une ancienne chapelle et la relie
avec du laiton, refait vivre des casiers d’imprimeur dans lesquels elle ajoute
des visages répétés et anonymes en porcelaine.
Ses sculptures ou installations convoquent un
répertoire de formes sérielles où le
geste travaille les creux et les pleins en accumulation. Le regard s’insinue
entre les craquelures, fissures et autres coulures accidentelles dues aux aléas
de la cuisson pour délivrer une dernière impression d’habileté maîtrisée. Ses œuvres, dont certains matériaux sont pensés à rebours de
leur fonction principale, sont un pied
de nez à la dégradation, à l’usure et à la disparition. Ils acquièrent une
identité autonome inédite pour une nouvelle appréciation esthétique. En recyclant
l’idée fonctionnelle et usuelle de l’objet, l’artiste nous invite à réévaluer nos critères de
jugement à propos de ce qui doit être sauvegardé de nos vies.