Passionné par les villes, les circulations, Kenan Olier cherche à représenter le flux des ensembles urbains, des lieux souvent en déserrance.
Hüzün, huile sur toile, 120 x 150 cm |
Kenan Olier peint à
l’huile sur toile, au pinceau, à la brosse principalement. Le geste est
figuratif, épuré. Son univers pictural entremêle
pêle-mêle couleurs pastel et vives laissant
diffuser un climat souvent hivernal. Sa contemporanéité se situe dans cette
alchimie de dosage des pigments, des gestes. Il privilégie les rendus de
lumière et développe une véritable démarche de simplicité.
Sa logique
constructive étendue traduit une certaine fluidité de l’espace. Les lignes de
fuites sont envisagées comme des traversées énigmatiques, des courbes sinueuses
qui indiquent la direction et transportent vers un ailleurs.
Cette
perspective optique devient existentielle, elle indique un destin.
La présence de
voitures ou de bateaux ; engins fonctionnels de passage, soutiennent ce
rapport à la mobilité active. Nous sommes les spectateurs d’un transit.
Zones
industrielles, croisements de rues désaffectées, quais, ports… Kenan Olier
s’attarde sur des lieux à l’atmosphère dépouillée, des endroits de la fin du
monde,
véritables déserts du réel. Il peint le Havre, Charleroi, Berlin,
Istanbul, des villes marquées dans
l’Histoire par l’avant et après.
“Lors de mon
arrivée à Brest dans le Finistère, j'ai été séduit par le port industriel et
par la ville datant de la reconstruction. L’architecture plus tout à fait
humaine mais résolument fonctionnelle, son type massif, régulier et aéré m’a
procuré une étrange sensation, J'ai eu envie de retranscrire cette différence
d'échelle. Les lieux de passage, les grands espaces vides qui fleurissent
depuis plusieurs années, leur confrontation avec les panneaux publicitaires
ainsi qu'avec les graffitis qui les rognent où la population qui y transitent
sont passionnant à retranscrire.”
La Penfeld, lumière rose, huile sur toile, 60 x 73 cm |
L’artiste se
nourrit du relief urbain, pour ensuite s’en dégager. Le point de vue en retrait
et en hauteur, renforce l’idée de perspective.
Il a
cette capacité à extraire du banal de l’inattendu. La poésie s’arrache du réel
de la ville. La déflagration des contrastes urbains rivalise avec la nostalgie
de son regard sensible.
Sa
peinture fonctionne
comme une carte postale, au carrefour du réel et de l’imaginaire, où le
changement flirte avec la ruine, tout comme la vie avec la désuétude.
Dans cette tension
constante où l’incertain et l’imaginaire jouent un rôle parfois décisif, tout
peut arriver ou tout est déjà arrivé.
Kenan Olier questionne la temporalité, entre célébration de l’instant et
commémoration d’un temps passé.
Malgré les rues,
monuments et autres marqueurs spatiaux identifiables, il brouille les pistes.
Les
habitants sont assimilés à des spectres errants, effacés de leur identité. Ces
présences qui surgissent de l’espace de représentation, s’imposent au-delà du
temps, entre statisme et disparition. Ils sont les témoins muets d’un instant T
avec ce quelque
chose de familier, comme si ils avaient été volés à nos souvenirs personnels.