Rosemay Dahan est animée par la
recherche d’un réalisme. La contemporanéité de sa peinture se situe dans cette virtuosité
alchimique de dosage, de gestes et dans la maîtrise des effluves des techniques
mixtes.
Sur
une même toile, elle joue avec la matière et juxtapose. Son instrument de base est le pastel
auquel elle ajoute de l’encre, de l’aquarelle, de l’huile pour plus de liberté,
d’effets inattendus et d’assurance.
« Ma
peur de la couleur a disparu quand j’ai découvert le pastel sec et toutes ses
nuances. J’ai essayé de donner au pastel une impression de peinture sur toile
en utilisant beaucoup de matière et non pas l’estompe qui lui est souvent
associée. »
Baldwin, 2011, encre, aquarelle et pastel, 40 x 30 cm |
L’artiste nous fait assister à la
révélation d’une image. Elle choisit des personnalités d’hier, des icônes
historiques inscrites dans l’inconscient collectif. Elle capture leur présence pour
en exposer leur permanence et fait raconter à ces personnages une nouvelle histoire,
comme une réactivation sous effet de spleen. Une façon de leur rendre hommage
et de continuer à les faire vivre. Son travail pictural a quelque
chose de photographique, quelque chose du « ça a été » au sens où Roland Barthes l’entendait pour la
photographie comme une attestation physique du temps passé et à jamais disparu.
« Depuis
l’enfance je dessine des portraits, des copies de Goya, de Géricault de
Caravage en travaillant surtout le regard qui me fascine. J’essaie avec mes
petits moyens, de rendre le caractère, de faire sortir l’âme de mon sujet. Je
peins des écrivains, des peintres comme pour Dickens, Steinbeck ou Lucian
Freud. Et puis il y a Pascin et Schiele qui m’ont donné ce goût pour les
nus qui peuvent être aussi expressifs que des visages… »
In a cafe, 2012, pastel sec, 65 x 50 cm |
L’énergie des traits accompagne par touches un espace composite,
dense. Par couches de matières, elle confronte
ainsi des temporalités différentes et des humeurs contradictoires. Les effets
de cadrage dramatisent le sujet et capte l’attention.
L’artiste va au plus profond des
détails, redonne de l’épaisseur à un cerne, un rictus ; des cicatrices esthétiques qu’elle va reproduire avec attention
et respect,
rendant précis ce qui n’attache habituellement pas le regard. Le regard du spectateur croise le
regard du modèle. Un jeu de rebond et de mise en abyme s’installe. Les œuvres nous apparaissent familières, comme si leur contenu émotionnel
était associé à nos souvenirs personnels. Figés comme des fragments de mémoire,
nous leur portons un sentiment de tendresse et de sympathie.
Rosemay Dahan emprunte les codes de
l’identification et de la nostalgie. Elle magnétise le symbole de ses modèles
et transcende leur pouvoir de fascination avec une contemporanéité de son
temps.