MAT'N NY, 2013, technique mixte, 80 x 80 cm. |
Annie Blanchet vit à Londres.
C’est une artiste urbaine passionnée par le vertige des mégalopoles qu’elle
métamorphose avec singularité.
« Les
grandes villes sont fascinantes car elles sont toujours en mouvement constant. Elles
représentent a elles seules un monde en soi et tant de choses à explorer, à
observer... Cette effervescence et activité permanente m'anime et éveille tous
mes sens. »
Annie Blanchet bouscule, recommence, ré-invente, ré-ancre, re-territorialise la ville
dans une inscription tout autant définitive que transitoire. Son imaginaire se
déploie autour de New-York, Londres, Paris, ses terrains de
prédilection. Elle travaille le déplacement des choses vues par
la transposition, accentue les lignes des
gratte-ciels, les disposent de façon inédite, joue sur les volumes qui lui sont
offerts. Sa singularité s’installe aussi dans la transformation par la
couleur.
Une couleur en appelle
une autre. Une sorte d’écho de tonalités et de gestes. Tantôt la couleur
soutient le geste tantôt le geste brouille la couleur. C’est un jeu d’équilibre
de forces organisées. Ces distorsions
s’appuient sur le paysage recomposé. Le
Hammersmith Bridge trouve une nouvelle identité sous des tons bleu turquoise et
rose vif, la tour Eiffel porte un jaune printanier… Quelques motifs abstraits
sont toujours là pour évoquer le végétal, les arbres en fleurs. Pas question
pour l’artiste de négliger la nature dans l’urbain.
Sa peinture balaye du
plus figuratif au vraiment abstrait, de l’évident au suggéré.
Annie Blanchet travaille par couches successives, la
reproduction photographique est une première base puis viennent les pigments,
les peintures. Le
jus pour un objet frontal, une peinture liquide, en éclats, une peinture plus
empâtée, la subtilité des gris colorés mêlés à la saturation de couleurs
presque fluos… Sous une panoplie
d’effets, l’artiste rend compte d’une somme des possibles de la peinture.
« Ce
qui m'intéresse le plus dans les techniques mixtes est le mélange et l'alchimie
de différentes matières et textures telles que la photographie, le collage,
l'utilisation de pigments, de peintures acryliques de pates diverses et
encres de chine puis la finition en résine transparente qui renvoie une
transparence, un effet miroir presque 3D. »
CAMDEN MARKET, 2013_2014, technique mixte, 40,6 x 30,5 cm |
Des coulures accidentelles, déchirures révélatrices
et marques ultimes à la verticalité stupéfiante interviennent à la fin du
procédé ouvrant le champ de l’aléatoire. C’est un moment précieux, un véritable
espace de liberté qui lui permet toute la spontanéité dans le geste. Elle
n'utilise presque pas le pinceau mais ses doigts pour réduire ou accentuer
certains aspects iconiques de l'image avec des textures solides ou
liquides, éloges du transitoire. La trace est laissée, la peinture est là dans son
instantanéité, dans la fulgurance de son exécution.
« C'est
le point crucial pour modifier la vision du réel en lui donnant une forme plus
abstraite. Le moment où je donne libre cours a mon imagination. »
Il y a dans l’art d’Annie Blanchet une manière
hétérogène d’envisager la surface picturale. Elle superpose, entremêle et
confronte avec cet esprit de montage qui affiche cette inventivité qui lui est
propre. Ses assemblages sont autant des jeux de collages aux références
éclatées.
« Les
collages, la publicité, l'habillage sont dans l'air du temps, l'observation de
la société telle qu'elle est aujourd'hui avec ses bombardements d'images, de
visuels, d'informations, d'écrans lumineux et publicitaires qui nous
sollicitent a tout moment. Les collages me permettent d'accentuer cette
surenchère d'information que l'on absorbe au quotidien. »
Le motif,
les morceaux, la tâche colorée lutte avec la figuration et la ligne claire. Le but
est de relier l’image à une expérience hallucinatoire, de permettre des astuces
de style et d’échelle. Ses troubles optiques participent à sa critique fascinée
sur la société de consommation.