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Geneviève Nicolas, faille révélée

Sur une toile de lin préalablement encollée, elle étale de manière aléatoire l’acrylique, afin de créer un terrain propice au travail à l’huile. Une matière qu’elle apprécie pour sa sensualité. Ses gestes s’enchaînent et se superposent pour tracer et sillonner l’espace dans l’insaisissable.
Geneviève Nicolas joue la carte de l’abstrait pour mieux se libérer.
« L’abstrait m’offre une très grande liberté. Je peux laisser parler quelque chose de moi que j’ignore et qui s’étale ainsi sur la toile, sans l’ombre d’un complexe, d’une quelconque censure. » 
Ce besoin de liberté la pousse à créer son propre monde, à revendiquer sa subjectivité sous un défi qui partage quelques interrogations. Pendant qu’elle pose le regard sur la toile, elle cherche comment et par où tenter l’incursion.
« Instant méditatif, dans le silence et dans l’attente, je scrute la toile à la recherche de l’accident par où entrer. J'invoque le mystère jusqu’à ce qu’une logique se dégage, une logique intelligible de moi seule. Tant qu’elle ne se révèle pas, je ne peux pas avancer. »
Dans cette recherche où la composition se combine à l’exploration, une certaine tension apparaît. Une fêlure, un éclair se dessine, tel un fil rouge qui court d’une série à l’autre.

Fracture de lave 4, huile sur toile - 75 x 75 cm

« Je travaille sans repère ni modèle. La série Fracture de lave est la seule exception. Elle m’a été inspirée par une faille entre deux roches qui laissait filtrer la lumière. C’était beau, simplement beau. Très vite, j’ai vu dans cette faille la silhouette d’un corps féminin. »  
La représentation féminine apparaît, un champ des possibles se dessine, se fabrique telle une image-mirage. C’est une fissure, une faille, la frontière entre deux mondes. L’abstrait s’entaille pour laisser pénétrer le réel. L’artiste laisse le spectateur s’y introduire sous un éclat de lumière et de couleur.
Sa palette est en dualité. Le fond noir, cendré contraste dans ses dégradés avec la mystérieuse fracture et ses effets complexes transfigurant l’apparence. Sa charge fantasmagorique est soutenue par la lumière. Une clarté qui apparaît par halos. Les tons jaunes, blancs presque transparents se mêlent à une touche parfois plus saignante, rouge, orange. La coulée volcanique fraye petit à petit son chemin entre les cendres et l’obscurité.
« Quelquefois, j’ai un grand désir de couleur. Je souhaite qu’un jaillissement se produise, un éclatement, et la montrer dans tous ses états. »
Les traits de Geneviève Nicolas témoignent de sa projection ensevelie. Elle creuse et dépoussière le Pompéi de son subconscient pour nous offrir une parcelle de son histoire.
« Je suis en recherche des mémoires, ce qu’elles recèlent et que j’ignore. L’amoncellement par strates d’héritages, d’expériences oubliées, ou ignorées. Dans ma tentative de transparence, peut-être est-ce l’espoir qu’elles percent les voiles, se révèlent, me nourrissent, m’informent enfin de ce qui me fait. La jarre de Pandore en somme. »