Diplômé des Beaux-Arts de Grenoble suite à une formation d’art contemporain et conceptuel, Jeff Saint-Pierre sculpte l’acier, plus particulièrement le fer à béton, additionné parfois à d'autres matériaux de construction comme le béton cellulaire ou encore la mousse polyuréthane.
Les dessins sont nécessaires pour les grands projets.
« Il y a toujours
des quantités de projets en effervescence et en maturation… Lorsque le
mouvement me convient, me surprend ou me fait rire, je sais que j’ai atteint le
point de finition. Il n'y a jamais d'équilibre, uniquement du
déséquilibre, je repousse toujours plus loin la limite de la rupture.
Symboliquement l'équilibre est la mort, le déséquilibre ou mouvement est la
vie. »
Le sculpteur réussi ce tour de force d’associer
l’acier à la légèreté, un véritable
pied-de-nez au caractère difficilement
flexible du matériau.
Baisers volés, 2012, 4,5 mètres |
Ses sculptures
donnent à voir une pesanteur. Entre stabilité et instabilité, entre fluidité et
transparence, l’artiste se déleste du poids narratif et gravit une verticalité
stupéfiante. Le mouvement et l’action passe par l’entremise de l’air. Jeff
Saint-Pierre questionne le mystère de l’invisible. Il perce le vide pour faire
éclore ses personnages ; des acrobates, équilibristes hybrides aux
ligaments métalliques d’une nouvelle ère. Leurs contorsions improbables les
unissent parfois en haut d’une échelle qui tend vers les cieux. Proches du 7e
ciel, leurs baisers fougueux et dénudés s’envolent sous une nuée poétique.
« J'apprends
perpétuellement pour compléter le vide. Je ne supporte pas ce qui est
cloisonné, hermétique, et qui tient pour acquis le savoir unique ou
stéréotypé, il n'y a pas de vérités ! La diversité et les expériences restent
pour moi les seules richesses. »
Quand Jeff Saint-Pierre ne sculpte
pas les corps il forge ses apparats. Les dessous chics deviennent des dessous
chocs pour témoigner contre l’excision.
C’est l’espace du fantasme comme celle de la transgression qui fascine
l’artiste. Un espace où tout est ouvert, là même où l'humain, sa fascination et
son inquiétude deviennent des moyens d’expression.
Dessous choc contre l'excision, 2014 |
Impressionnantes par leur présence et leur
force, ses œuvres invitent au-delà des apparences, dans des espaces de
questionnement et de réflexion subtils.
La mise
en scène et l’organisation technique rigoureuse s’étirent dans l’espace et le
temps. Le temps est omniprésent voire obsessionnel pour
l’artiste.
« Dans mes créations,
le temps très bref du mouvement se confronte à celui plus long de la rouille et
du vieillissement. »
L’artiste impose ses temporalités. L’acier, la matière de l’écho du passé
créée d’autres potentialités.
« Le
matériau utilisé est issu du recyclage du métal qui a déjà une histoire. Le
présent c’est ma création ; interactive, impulsive, incontrôlable
parfois. Le temps futur
s’accomplit dans l'avenir qui laissera la trace esthétique de mon empreinte. »
Ce rapprochement, cette mise en lien créée une coexistence harmonieuse,
un continuum qui nous transporte vers un audacieux vertige.