Sa peinture se lit comme une partition picturale,
comme une correspondance entre le son et la couleur. Pour sa série La musique pour un chemin vers soi, Patricia Ruiz Garcia traduit dans
son propre langage plastique ses rencontres musicales. La musique, elle ne sait
pas l’écrire mais elle l’accompagne. Au gré de promenades, elle photographie
des musiciens et reproduit la scène sur toile de lin à l’acrylique.
« Un récent voyage aux Etats unis m’a permis
de faire de belles rencontres. Dans un Jazz Club de Greenwich Village, un
trompettiste manchot s’est lancé dans une impro avec un batteur et un jeune
contrebassiste. Ils ont fait corps avec leur musique. Les musiciens sont dans
leur monde, loin de la réalité matérialiste. La musique leur permet de se frayer un chemin vers
soi. »
L'artiste a un objectif précis
lorsqu’elle peint ; celui de retranscrire sur toile son émoi intérieur.
L’écoute de soi et l’instinct deviennent essentiels. Elle donne une piste que nous devons creuser
à notre tour pour retrouver des références enfouies, faire appel à nos émotions
esthétiques.
Par introspection, elle fait entrer dans ses toiles
une poésie et une symbolique que les musiciens rendent perceptible dans leur
art. Sans recours à une logique imitative, la musique devient visuelle, vers
une perception plurisensorielle.
Afin de capter le sens de ce qu’elle nous propose
d’observer, ses traits figuratifs tendent vers une accessibilité immédiate
telle une mélodie universellement perceptible qui nous indique le sens de sa
création.
« La création nécessite ce processus
d’abandon de la conscience, un lâché prise. Lorsque je peins, je me laisse
emporter. Je laisse aller mon pinceau sur la toile au rythme de la musique, les
notes jouent avec les couleurs. »
Improvisation sur la Une |
Sa palette est vive, chaleureuse et soutient le
bleu, une tonalité qui lui est chère. Idanthrène, phtalo ou céruléum, la note
bleue, la note sensible du blues s’impose parfois par touche ou de façon plus
dominante. Ce climat esthétique renforce cette ambiguïté harmonique et
affective où les tonalités sont majeures puis mineures, évoquant à la fois la
joie et la mélancolie.
Patricia Ruiz Garcia fige sur toile la plénitude sonore.
Elle éclate la narration par superposition et
démultiplication des surfaces physiques et mentales. Elle se prête au jeu de
mettre au tempo des techniques mixtes pour donner plus de corps. L’artiste
enveloppe ou estompe sa touche avec du sable, de la résine, des coquilles ou du
papier journal.
“Nous vivons dans un monde anxiogène où
l’information est trop axée sur le sensationnalisme, le catastrophisme et
assez peu sur les évènements positifs de la vie. J’ai eu envie de détourner les
mauvaises nouvelles de la presse en collant sur mes toiles des coupures de journaux
du monde entier. Les musiciens sont venus adoucir ces mauvaises nouvelles avec
leurs instruments. Les notes de musique pansent les plaies.”
Sous la pulsation de son pinceau, la vibration
s’identifie à la douceur. Ses œuvres accordent à l’œil un confort, une délicatesse heureuse
d’une intensité harmonieuse qui résonne.