Anne Fioux travaille le bois au couteau ou au pinceau. Ses dernières séries délaissent
la toile vers des supports plus sculptés, des paravents, des cadres de miroir. Le
support est choisi pour sa qualité à révéler. L’artiste a cette manière de
travailler le contenant pour creuser les espaces.
« Je rajoute de plus en plus
de matière naturelle à base de bois. Je sculpte car j’aime les tableaux en
relief, en plusieurs couches pour donner de la profondeur. Mes œuvres sont
réalisées entre deux et quatre mois, le bois est une matière qu’il ne faut pas
brusquer. Il faut lui laisser le temps de faire ressortir la couleur. »
Anne
Fioux joue la carte de la synchronie, le résultat du temps sur la matière, les
correspondances entre une construction et une émotion.
« On ne prend plus le temps de
regarder la beauté qui nous entoure. Se dire que l’on a cette chance. La
femme est, encore de nos jours, un peu trop vulgarisée et ce n’est pas l’image
que je souhaite donner. C’est pour cela que j’utilise une finition cirée, douce
et souvent mate pour les nus. »
Le
corps de la femme naît de son imagination inspirée de photographies issues des magazines
mais aussi de la nature.
« En regardant une tulipe et
la courbe de sa tige j’ai vu le tableau apparaître, un nu couché sur la tige de
la fleur. »
Les
poses mélancoliques évoquent un certain romantisme du sujet, passionné, exalté.
La
palette douce, travaillée au pastel, nous entraîne vers un songe réveillé par
quelques ajouts en flochetage.
« Les touches hachurées
coupent les courbes du corps pour perfectionner une certaine imperfection.
C’est aussi pour protéger cette féminité par une structure solide. Cela procure
plusieurs dimensions en trompe l’œil. »
Ce
jeu de montré-caché donne non seulement une force poétique aux œuvres, mais
leur confère aussi une tension qui s’immisce dans la dureté de la matière.
Droites comme des entailles, les touches verticales viennent suturer. Le corps
semble même accidenté.Ce hiatus souligne la constance et la régularité du tracé
du corps face à la discontinuité des touches en hachures. Anne Fioux se plaît à
développer cet art de la rencontre. Une confrontation d’effets de styles qui se
rapprochent et s’apposent. Cet art du recouvrement créé un décalage.Potentiel
et furtif, le corps s’efface sans pour autant disparaître. L’alchimie de
l’effet s’aborde frontalement avec ses contradictions. L’artiste révèle les
forces en présence, les tensions, les équilibres qui dépendent les uns, les
autres.
Ses
œuvres sont figuratives mais avec une tendance à dissoudre la figure sur le
support. Au fur et à mesure de la contemplation, le regard se laisse fondre. Le
corps devient fragment et reste en suspend sous un aspect quasi virtuel. Cette
force imageante participe à un mouvement de métamorphose. Un glissement du
familier vers le mystère qui préserve tout le secret du dispositif sculptural
de l’artiste.