Son modus operandi est savamment étudié et se
constitue en deux axes.
D’abord une technique très élaborée sur toile qui donne naissance à
une première œuvre. Après de nombreuses esquisses à la graphite et pierre noire,
l’artiste peut dès lors reproduire le
dessin à l’acrylique noire sur une toile très lisse, tel du marbre, puis de le
recouvrir, pour ne plus que le deviner, sous plusieurs couches d’acrylique
rouge de mars. L’huile intervient ensuite pour redonner vie au personnage.
« Je travaille l’huile comme si je la sculptais,
inlassablement jusqu’à ce que les couleurs se diluent sans s’éteindre mutuellement.
Je ne travaille pas à la lumière du jour mais rideaux fermés avec une lampe
très violente. Les couleurs sont franches et vives, je n’aime pas les demi-teintes. »
Mary - interprétation sur aluminium brossé |
Puis vient la transformation avec une photographie de
l’œuvre achevée, retravaillée,
décloisonnée, dépouillée de ses éléments et de ses couleurs pour être
finalement imprimée sur de l’aluminium brossé. Une deuxième œuvre naît entre
vibration et disparition.
De la densité à la transparence, l’artiste, séduite par la perfection formelle, se détourne du figuratif académique pour trouver des accents plus
éthérés. Elle adjoint une nouvelle dimension à la fois conceptuelle et
poétique. Le décalage n’a rien de brutal et suggère même un touchant
glissement. Ce dernier génère une double lecture, entre la facture séduisante,
colorée et l’omniprésence naturelle du vide suggéré.
Certaines de ces belles androgynes prosaïques
endossent une armure dorée et
scintillante. Leur silhouette se fige sous des halos et des ornements
fleuris ; des fleurs de pavot
ou des lys blancs, la fleur des déesses grecques, de la vierge Marie ou encore
du roi de France. Saintes ou sataniques ? Sylvie Breysse brouille la construction
symbolique pour révéler la polysémie du motif et interroger les identités par
les formes qu’elles célèbrent :« Ces femmes ne sont pas incarnées,
elles sont le reflet d’un questionnement intérieur, d’une histoire éternelle.
Elles existent dans un autre “plan”, celui de mon imagination sans doute, car
elles sont souvent sublimées, ce sont de belles âmes. »
Romantiques et mutantes, ces beautés intérieures
élaborent le mythe, et relient le mystère et l’identification par leur robe
charnelle bleue.
« Une couleur exceptionnelle qui permet toutes
les expressions, tous les ressentis, tous les non dits, une couleur dite
“froide” mais qui est loin de l’être. Elle permet de traverser le miroir, de
lire dans les âmes, de sublimer l’humanité. »
Les muses de Sylvie Breysse s’imposent au-delà du
temps et des affres de l’Histoire, regardant le spectateur d’un œil spectral
dans les sphères du sensible, entre le tangible et l’incertain, entre le réel et la survivance
fantomatique.