Deux axes constituent l’œuvre de Martine Boyer ; le collage et la peinture abstraite. Pour le premier, elle collecte
du papier issu de magazines ou utilise ses propres photos qu’elle déchire, ampute,
appose, et assemble sur châssis toilé avec de la colle à papier peint. Elle
constitue d’abord le fond puis ponce finement en accentuant parfois pour donner
un effet, un relief avant de créer le motif qu’elle rehaussera éventuellement
au pastel gras. Côté peinture, sa technique réunit l’huile, l’acrylique et le
pastel sec. Il s’agit là aussi de dégager des formes pour les laisser surgir de
l’abstraction. La palette est douce avec une tonalité bleue dominante.
Martine Boyer s’attache à certaines œuvres,
plus qu’à d’autres.
« Graffiti est très emblématique de ma
démarche avec cette femme allongée, un
bandeau bleu sur les yeux, devant un mur de la ville rempli de graffitis. Au
second plan, une sculpture agenouillée contre une colonne lit un livre et
semble raconter une histoire à cette femme allongée, qui n’est autre que
moi. »
Graffitis |
Le potentiel narratif de toute une histoire se
révèle. L’œuvre se dicte elle-même pour dévoiler une sélection naturelle de
l’image à l’artiste.
« Ce
n’est jamais pensé. Je ne sais jamais ce que je vais faire, je créé à
l’instinct. Mes mondes intérieurs apparaissent sur le vif. »
Martine Boyer désarticule
les relations logiques et dresse son paysage mental. En deçà du spontané et de l’aléatoire, elle laisse apparaitre les couches
enfouies de son inconscient. Elle
s’est beaucoup intéressée à la psychanalyse et notamment à Jung. Mais elle
s’inspire également de la mythologie grecque, des contes comme Alice au pays
des Merveilles et ne renie pas l’influence des Surréalistes. Comparables à
celles que les rêves peuvent produire, ses associations laissent émerger
quelques indices.
Des espaces et des personnages affleurent.
Un petit prince, un lapin, une aviatrice… Lorsque le tangible ne jaillit pas de
ses toiles, elle introduit dans ses
compositions des éléments figuratifs, arrachés au réel, détournés de leur sens
initial, brouillant le fonctionnement polysémique des images.
Les fragments utilisés perdent une
partie de leur identité mais en acquièrent une nouvelle. Cette
réappropriation des images invite sans nul doute à la réflexion sur le statut
de ce que l’on voit.
L’artiste organise l'espace en créant des
plans superposés. Elle expérimente ainsi différents équilibres poétiques. Le choix de l’échelle modifie la forme. Ces incisions
temporelles et de territoire compriment la vision pour élargir
l’interprétation. Ce sont les pièces d'un puzzle infini, d’un mille-feuilles
qui laisse place à l’interrogation.
Sans ordre, ni sens de lecture, le
spectateur est mis à contribution par son interprétation. Il rôde
aux marges de l’image, à la recherche de ses secrets, visitant ses confins,
amusés ou plus mélancoliques.