L’œuvre d’Almakan est mutante, c’est une entité matricielle qui pose la question de la condition humaine.
Dans sa série Basculement, l’artiste déploie l’espace temps
comme producteur de forme. Elle exerce ainsi une prospective pour tenter de
percer l’évolution du monde et des futurs possibles.
« Mes œuvres sont ma participation à la construction et
à la diffusion des représentations du futur. J’utilise sciemment le fantastique
comme moyen d’alerter sur des tendances inquiétantes. »
L’artiste décrit les
signes de la transformation qui s'opère sur notre réel. Elle fabrique des êtres hybrides et des scènes
inédites où le monde et les corps peuvent s’inventer. Là même où l’homme est
destiné à évoluer malgré ses récidives.
« Si l’histoire ne se répète pas, les comportements
humains se reproduisent. L’Humanité a une ultime fenêtre d’opportunité pour
basculer vers ce que j’appelle « l’Humain 3.0 », cet humain éveillé
et respectueux du Vivant. Si l'humain n'évolue pas, alors nous aurons
l'impression que l'histoire se répète... »
![]() |
Le legs, technique mixte, 80 x 53,6 cm |
Avant de s’ancrer dans
le réel, son procédé est d’abord virtuel. A l’aide de l’outil crayon d’un
logiciel numérique, Almakan réalise au préalable un croquis qu’elle imprime
ensuite sur une toile de coton. Puis à
l’acrylique et à l’encre elle appuie la couleur à l’aérographe pour renforcer
cette impression de photographie réaliste en 3D. Quelques touches au pinceau
soutiennent les reliefs et les effets de matière avec parfois des peintures spécifiques. Certaines disparaissent,
deviennent invisibles dans l’obscurité ou à une température précise. Vivantes
et en mutation, les représentations diurnes deviennent d’autres incarnations
nocturnes. Ce procédé chromatique offre une perspective secrète, la création
d’un espace caché intégré dans la profondeur. Une sorte de poly-visibilité qui
laisse surgir la révélation et la surprise picturale.
Des signes, des mots
comme les particules prolifèrent et se mettent en forme, en phrases, en réseaux
autour des œuvres d’Almakan. Ce sont les siens, les témoins d’une dynamique qui
se propage telle une épidémie sémantique et chaotique, une partie de sa vision
du monde et de ses rapports.
De la molécule au
cosmos, l’univers de l’artiste que l’on peut qualifier de réaliste fantastique,
est vecteur de nouvelles réalités visuelles. Il s’inscrit dans une logique de
prise de possession du tangible, de l’existant d’un monde inconnu et fantasmé.
« Le réalisme fantastique est d’abord profondément
ancré dans l’actualité par les sujets qu’il traite. Il n’invite pas à
l’évasion, mais à une profonde adhésion. (…) Il a pour but de sortir le public
de son espace-temps habituel, pour déclencher une (r)évolution en chaîne (…) Il
est plus visible quand le monde est en crise et qu'il amorce une mutation
majeure. Ce qui est le cas aujourd'hui. Reste à savoir si l'humain mutera,
évoluera et se métamorphosera dans le même temps. »
De la lumière à l’ombre,
les songes d’Almakan se projettent indélébiles sur sa rétine, comme des
sensations de persistance qui explosent dans toutes leurs longueurs d’onde sous
nos paupières en immersion.