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Les mises en scènes d’Edith Delattre


Les créations d’Edith Delattre sont des « boites à penser », contemplatives et intimistes. Leurs dispositifs photographiques les gravent et les sculptent dans l’espace. Elles s’installent entre le mouvement et le statisme, entre le paradoxe et le contraste.


Peintures, gravures, modules, sculptures… L’artiste est éclectique mais son travail, quel qu’il soit, reproduit des effets photographiques.
« Chaque œuvre est une nouvelle aventure et leur maturation dure souvent plusieurs mois dans mon atelier avant de prendre corps ; avant que tous les éléments prennent un sens , s’harmonisent ; avant qu’un déclic se produise , que naisse l’illusion , que l’œuvre amène à offrir à chaque regard un angle nouveau, incite le spectateur à tourner autour, pour s’inscrire dans la tradition de l’art cinétique. »
La régie lumière, le graphisme, la photographie, le diaporama ont nourri son parcours professionnel dans l’audiovisuel. Aujourd’hui, l’art scénique poursuit son influence dans ses travaux.

On retrouve effectivement dans ses créations, l’univers du spectacle. Toujours en quête de l’invisible et de la perspective, l’artiste est aussi captivée par les daguerréotypes, ces images fantomatiques que l’on tend à voir.
Elle évoque le travail de Piranèse et ses prisons imaginaires avec des verres entrecroisés peints, où la superposition et la transparence du matériau amplifient remarquablement l’élément architectural et labyrinthique.
Entre l’opaque et la lumière, les ombres portées s’animent laissant les repères se troubler vers une perte du réel.
« Explorer le monde de Piranèse et suggérer ses espaces comme les Carceri tout en gardant les effets de techniques du trait de la gravure ainsi que l’évocation des contrastes. Tel était mon défi ! Le travail du graveur résonne comme quelque chose de laborieux, méthodique, rythmique, associable à la musique. »

Méandres, 2015, technique mixte :  fil de fer gainé de coton, tissage de fils de coton, 
verres optiques de dioptries variées. Dimensions : 50 cm de diamètre pour le pus grand cercle. (*)


Dans l’espace des œuvres d’Edith Delattre, même les images les plus immobiles bougent doucement. C’est dans cette attente d’une métamorphose, où le reflet et le double sont des éléments centraux, que nous dialoguons avec l’œuvre. Le processus s’incarne comme par magie, entre l’apparition et la dissolution de la figure humaine. La représentation s’ancre en dehors du champ visuel et tend vers une exploration d’un monde onirique, souterrain, là même où les transformations et les profondeurs sont portées vers la lumière. 

Superposition de surfaces et superposition de temps… L’espace mental se construit et nous laisse imaginer ce que l’on peut projeter en regardant. C’est en s’immisçant dans ces trous béants, que l’artiste produit de nouveaux cheminements, une réflexion sur la mémoire et la vision déformée qu’elle peut générer. Les différents niveaux de narration renversent l’image. Ces couches d’écho visuel demandent à notre imaginaire un certain mouvement, d’une vraisemblable irréalité.

A la fois spectrales et silencieuses, les œuvres d’Edith Delattre prennent par surprise. Ce sont des énigmes en perpétuel changement avec pour geste final la photographie qui immortalise le moment de contemplation et… Boucle la boucle.


(*) Sous l’inspiration des « Carceri » du Maître graveur Giovani Battista Piranesi, Edith Delattre a créé ce mobile pour exprimer l‘évocation de la gravure en trois dimensions. Il se compose de trois cercles reliés sur un même axe qui symbolisent notre sphère. Trois mondes mouvants s’enchevêtrent dans l’espace, formant un Tout qui s’organise et se désorganise en un rythme très lent. La superposition des trames mobiles produit un effet d’impalpable, d’ordre et de désordre, d’indomptable. La mise en place de verres optiques de forte dioptrie augmente les effets hallucinatoires et déjoue le sens de l’équilibre.