Fabrice Entemeyer reconnaît l’héritage de l’art du passé pour revisiter le corps mythique sous une étrangeté charnelle ultra-contemporaine.
Ce passionné
du corps et de l’être humain ne renie pas avoir fait ses armes avec le dessin
classique, le nu et le portrait. Son œuvre est un éventail délicieux de
références aux divinités de la Mythologie et des cultes religieux ; monstres,
anges, vierges ou déesses fabuleuses du monde antique, souvent hermaphrodites
et angéliques. Autant de figures qui prennent vie sous les traits du Rebis
alchimique, symbole de l’androgynie, Agdistis, déesse
phrygienne, Mère des dieux ou encore Lilith, effigie
biblique démoniaque.
« Les mythologies qui ont fondé les civilisations et les
archétypes, l'Histoire, l'Art... L'art du corps, et les sources de l'Antiquité
sont mes sources d'influences. (…) J'aime
jouer avec les images : la
perfection de certaines images-modèles est ambivalente, aussi séduisante
qu'inquiétante ou dangereuse. »
Fabrice
Entemeyer propose une relecture des figures mythiques prises comme matrices
scénaristiques. Il pose la question de leurs postures sculpturales en les
confrontant à un procédé de techniques mixtes qui bouleversent leurs
représentations.
Ce savant
mélange entre le dessin et la matière unit les pastels secs, la pierre noire,
la sanguine, à l'acrylique, la peinture vinylique, l'aquarelle, l'encre,
l'huile, les pigments liés, certaines décoctions ou encore des collages de
papiers. Sous cette
panoplie d’effets qui laisse apparaître coulures,
tâches et auréoles, il
rend compte de tous les possibles et ouvre le champ de l’aléatoire.
DSM'R |
« Je
tente des greffes entre les images et les textures travaillées (…) Des formes
naissent ainsi les unes sur ou avec les autres, d'autres s'évanouissent dans la
composition (…) Il y a des naissances, des avortements, des morts... Mais il y
a aussi des glissements et du calembour visuel... »
L’artiste expérimente
« l’en train de disparaître » et la naissance du spectre. Détachée du
corps, l’icône devient fantomatique.
Côté
palette, il associe et oppose les gammes comme les contrastes.
« J’ai une préférence, en ce moment, pour les
violets, les violets rouges, les mauves... Des couleurs masculines et
féminines, hermaphrodites, qui donnent l'illusion d'une neutralité très
incertaine... »
Certains
aspects iconiques des corps sont accentués par l’instantanéité de la trace,
éloge du transitoire et du surgissement.
Cette
combinaison protéiforme met en tension la recherche formelle de la figuration
maîtrisée avec l’accident. Les
corps parfaitement délités n’existent que par la parfaite maîtrise du dessin,
mêlée à la spontanéité du geste.
La reconnaissance
de ces incarnations familières, associées à la projection imaginaire, met véritablement
en abîme le spectateur. Cette lutte procure même une expérience troublante,
presque hallucinatoire qui déchaîne l’interprétation.
La dimension humaine liée à l’irrationnelle, laissent
une part de blasphème et d'allusions sexuées. Cet univers aussi iconique que
sensuel, délivre des beautés compulsives, pétries d’érotisme, d’une certaine
férocité. Fabrice Entemeyer suit les lignes référentielles de figures mutantes
sublimées pour s’en détacher sans consentements.