Lecture, peinture de tenture, 114 x 146 cm, 1995 |
Pour
reproduire le réel, il travaille ses œuvres en prenant soin qu’elles soient
modulaires, hybrides entre la peinture et la broderie, un entre-deux en
constante évolution.
Balázs Buda est peintre mais la peinture chez lui se brode, se coud, se confectionne.
Le réel
se dessine au préalable à l’aide du fusain, du gesso et de la peinture à
l’huile sur toile de lin. Il peint des lieux parisiens comme le
Grand-Palais, le pont Alexandre III, le Moulin Rouge, mais aussi des paysages
de pleine nature ou encore des portraits réalistes de ses proches.
Il
transforme ensuite en traversant la toile de son aiguille. Fils, perles, cordes
sont piquées, du macramé est parfois ajouté.
Ce qui
caractérise cet artiste c’est avant tout son exigence envers lui-même et le
regardeur. La nature morte répond à cette requête et lui permet de toujours
faire évoluer sa technique pour reproduire avec attention et minutie le moindre
détail.
« La
nature morte est un tremplin pour amadouer les problèmes dans la peinture (…) Le réalisme, c’est une certaine
façon d’être sincère avec le public. »
L’artiste
pique, tisse, tricote, fait surface, montre, cache. Son fil continu ou
intermittent resserre le sensible. Peinture et broderie ne font plus qu’une.
Dans cette parfaite complémentarité, le pointillé et la hachure cousue renforce
l’effet de lumière et participe à une interprétation symbolique.
« C’est
toujours le sujet qui réclame la façon dont il sera piqué. »
L’éclat
lumineux se charge de valeurs positives : attirance, beauté, rêve,
mémoire… Certaines scènes nocturnes engendrent un contraste tout à fait
nouveau. Un clair-obscur réinventé où les parties claires renforcées par les
points piqués brillants, dorés, argentés absorbés et réfléchis par la toile,
côtoient immédiatement les parties peintes plus sombres. Ce contraste permet
d’engendrer une attention dramatique qui procure l’illusion de volume. Cette forme visible transforme l’œuvre vers
un nouveau relief. Sa tridimensionnalité lui confère une tension qui s’immisce
dans la souplesse du support.
Ses
travaux ne sont pas toujours dans le cadre. L’artiste a ce souhait de dépasser.
Un détail déborde souvent de la surface ou l’épaisseur. Cette filature
préméditée sonde l’échappatoire de la planéité.
Pour
être attentif à la réception intime de l’œuvre, nous sommes invités à circuler
entre la vue d’ensemble et le plus petit détail. Il faut se rapprocher pour
découvrir l’ardeur formelle des points brodés. Plusieurs mois sont nécessaires
pour venir à bout de ce long procédé.
Mais
l’artiste, animé du désir de piquer, cultive l’acceptation de la tâche.
« Je
pique pour alimenter, mouvementer, embellir, donner de l’esprit. »
Balázs
Buda suit le fil du textile depuis quelques années. Ce matériau, il l’avait
déjà côtoyé dans le monde de la mode parisienne. La tenture brodée est arrivée légitimement,
propulsée par cette expérience professionnelle et probablement aussi par ses
origines hongroises. Son pays natif cultive le terreau fertile d’un riche
folklore entre l’Est et l’Orient où l’art de broder est prépondérant. Paris,
ville lumière, lui a permis de retrouver cette facette bohème, vivante de la
Hongrie.
La
peinture-tenture de Balázs Buda souligne une dualité qui correspond à notre
époque.
Elle
transgresse une technique ancestrale avec une perception esthétique très
actuelle.
Cet
artiste atypique nous embarque dans de douces rêveries et fabrique, avec un
savoir-faire qui lui appartient, la diversité des existences et la poésie des
espaces.