Sillons pourpres, L 50 x l 42 x H 25 cm |
Ses monotypes et sculptures mobiles en altuglas adoptent des occasions de mutation. Elles sont en soi un véritable combat contre l’essoufflement de la forme. Une conversion du réel en quête de couleur, de transparence et de mouvement.
Danielle Martin-Troulay
ré-enchante le décor trop statique qui nous entoure.
Ses œuvres ont une présence
qui invite à toucher, à sentir le volume sous la main. Elles développent une
forme théâtrale avec des pièces variantes qui s’interprètent et se
réinterprètent. Certaines de ses
sculptures permettent de les détacher, les échanger, les recomposer. C’est une
invitation à découvrir les possibles, là-même où l’espace du rêve et du fantasme
nous entraîne vers toutes les contrées imaginaires. Pour ouvrir cette porte
vers d’autres dimensions, l’artiste envisage l’art comme processus de
métamorphose. Ses créations sont des objets de tension suspendus dans un
potentiel équilibre entre un temps passé et futur. Elles sont les formes
évolutives qui ont été et qui ne sont pas encore ce qu’elles seront.
Pour relever les contraintes sophistiquées
de l’altuglas, Danielle Martin-Troulay partage ce goût de l’expérimentation dans ce qu'il incarne l'idée
d'explorer des possibilités inédites.
Elle travaille à l’envers,
derrière la plaque où elle orne son support de plusieurs couches peintes à
l’acrylique, grattées, creusées, superposées avant un vernis à l’eau. Autant
d’acrobaties et de délicates opérations qu’elle résout avec maîtrise.
La palette est chatoyante. Le
rapprochement des couleurs vives créé des profondeurs et acquière sa
valeur dans une composition rayonnante.
Elle connaît les astuces de
la peinture et de la sculpture. Percer le secret des ateliers d’Aristide
Caillaud, Nicolas Greschny, Jean Claro ou encore Lucie Allignet a été une
chance merveilleuse. Forte de ce riche parcours esthétique, elle n’a plus à
prouver qu’elle sait sculpter l’équilibre et manipuler la transparence. Mais ce
qui surprend le plus chez cette artiste dotée d’un grand savoir-faire, c’est
l’onirisme dont elle contamine les formes abstraites. Cette rare combinaison entre
la clarté technique et sa puissante inspiration tend vers les abîmes de son
inconscient et lui permet de rester libre.
Si son maître à penser
demeure Nicolas de Staël, l’artiste ne manque pas d’évoquer sa rencontre
personnelle avec Calder. Un moment magique qui la marquera à vie et appuiera
sans conteste sa recherche du mouvement.
Ses travaux évoluent depuis
comme un glissement. Leur mouvement se déplace entre forme et sens, entre
déploiement et interprétation. Son intérêt pour la perte des repères et sa
quête de points de vue nous ramène au cœur de sa démarche ; celle qui croise
de manière vertueuse intention et intuition. Accident et contrôle s’influencent,
se répondent et font sens ensemble. Cet entre-deux est permanent et
particulièrement apparent lorsque l’artiste évoque la vague sismique qui a
provoqué la catastrophe de Fukushima.
L’inattendu est parfois
extrait de l’abstrait ; ce sont quelques éléments plus figuratifs, des souvenirs
qui ressurgissent et s’effacent dans le mutisme de la peinture, fixés à jamais.
Un bouquet de fleurs, un éléphant, une mariée, un soleil, une lune… Sont les
témoins de sentiments éprouvés au cours d’événement d’actualité ou de son
quotidien plus intime.
La contemporanéité de
Danielle Martin-Troulay se situe dans la virtuosité de doser les gestes et les
pigments en laissant toujours le hasard des effluves et du support. Dans ce
souci constant du matériau et de la texture, elle est capable de dynamiser la
composition en envisageant toujours la forme en mouvement.