Arrêt sur Espace-Temps Series, 1ter |
Nadine Arrieta s’intéresse à l’espace-temps. Sa pratique s’accompagne de recherches,
de lectures, de croquis et d’autres réflexions qui ancrent les espaces qu’elle
traverse dans un continuum de strates. Ce jeu de surfaces participe au
déséquilibre de la scène que chacun est invité à reconstituer.
Lors d’une résidence en 2016 à Artscape Gibraltar Point au Canada, l’artiste s’est penchée sur la question de la capture et la concentration de l’instant, de la vitesse, du mouvement, du décalage et du suspend.
Elle peint pour ce faire à l’huile. Les couleurs ne
sont pas mélangées mais superposées sur la toile
agrafée au mur. Cette épaisseur sensuelle et palpable fait écho au souffle du
vent, aux vagues ondulantes de la mer… Autant des mouvements naturels
confrontés à la rigidité des façades de la ville.
L’espace informe fait remonter les
pensées, la mémoire, les souvenirs
effacés, voilés et même créés de toutes pièces.
Dans cette confrontation de traces, de paysages balayés, Nadine Arrieta peint ce qu’elle voit et fragmente le réel.
Dans cette confrontation de traces, de paysages balayés, Nadine Arrieta peint ce qu’elle voit et fragmente le réel.
« Les structures d’un paysage, la mouvance de l’eau, l’impression
de hauteur, de gigantisme s’expriment et se voient différemment suivant les
individus. A chacun sa réalité. »
Entre
l’impulsion et la construction narrative, l’artiste brouille, raye, porte
attention aux failles d’un décor qui pourrait toujours se dire autrement. Elle considère les phénomènes dans le temps et
l’espace, fait surgir la conscience d’un présent, des images spectrales qui
sortent des souterrains de l’imaginaire pour écrire la suite à venir.
Le flou
et le diffus travaillent la disparition des traces mémorielles et figent avec
un certain mystère.
« C’est comme si je tentais de
figer l’instant tout en étant consciente de l’impossibilité de la chose. Alors
je laisse des états de transition qui semblent un peu flous. »
Ce travail à
vif de traversées énigmatiques est un arrêt choisi, une action suspendue, une
coupe verticale dans l’espace-temps. C’est une proposition entre l’immuabilité
et l’éphémère. L’évocation de ce caractère transitoire diffuse un climat.
La curiosité
d’un ailleurs se révèle grâce aux ingrédients que l’artiste sait distiller.
« Je tiens à laisser le spectateur assembler les parties diffuses,
se les approprier à sa façon. Son œil
travaille pour constituer un ensemble qui lui semble cohérent, car je sais bien
qu’il va rechercher une cohérence et en faisant cela mon monde et le sien vont
discuter. »
L’énergie du trait poétique et volubile participe au plaisir
du débat. Pour permettre à la signification d’émerger, le regardeur devient à
la fois détective et co-créateur. Il fabrique ses propres évidences, invente et
utilise les potentialités de conviction, d’errance et d’illusion.
C’est dans cet espace intuitif et cette manière de dompter
la persistance de l’inconnu que se glisse la réflexion et l’émotion. L’aventure questionne la captation du sensible
et la liberté. Nadine Arrieta
nous rappelle avec cette délicatesse qui lui appartient que ces espaces
discursifs participent à l’appréhension polysémique du monde.