Cet enfant de la ville de Jules Vallès (Le Puy-en-Velay) a quelque chose en lui du Cri du Peuple.* Son art puise son inspiration dans la réalité sociale urbaine où la figure humaine est omniprésente.
La
condition humaine et son combat tissent le fil rouge de son œuvre. Guy Savel est un artiste humaniste, un
revendicateur qui exprime sa révolte par le dessin, le collage, la peinture sur
toile, sur panneaux ou par le biais d’installations.
L’ombre
et la lumière, le rouge et le noir sont autant d’oppositions de tonalités et de
contrastes qui appuient ses travaux et reflètent ses états d'âme du
moment :
« La soif de vivre, l'indignation, la révolte,
l'espérance, la douleur… Une expression spontanée, tripale. »
Son
discours esthétique se ponctue par de nombreuses ruptures, des accidents que
l’artiste qualifie de déchirures. « Elles peuvent être symboliques lorsqu’elles
sont mêlées au thème de la guerre ou bien physiques lorsque le papier est
déchiré puis collé, lorsqu’il y a distinction de matières, de couleurs, de
ruptures de lignes, de graphisme… »

Discours vide et néon, collage et
acrylique sur papier marouflé, 68 x 53 cm
Guy
Savel parcourt, traverse l’espace urbain et s’arrête pour mieux voir. Comme une
évidence, il s’empare d’un moment, d’une faille, là où la mémoire fait trace.
Avec
enthousiasme, il s’approprie et ouvre des combinaisons insoupçonnées sans
limites.
Son
protocole rend visible une exigence iconoclaste par laquelle il perturbe les
codes. Il floute et refuse de valider les pistes. Il arpente, fragmente,
déconstruit, déchire les espaces, les territoires réels de son support comme
ceux de la pensée et de l’émotion.
Il
combine, installe et associe autant qu’il sépare. Ce procédé provoque des
rencontres aléatoires qui font toutes sens et qui permettent à autre chose d’advenir ;
un espoir.
« La ville est l'endroit de tous les possibles.
C’est un paradoxe incarné, des possibilités graphiques intéressantes ; des
perspectives, des fuyantes, des points de fuite, des contre-plongées, des
couleurs, des ambiances, de la vie aux multiples facettes (…) La ville me
fascine. La ville m'attire, la ville me repousse. »
En
fond, il mixte et associe des éléments issus du réel tels que des pièces de
puzzle, des feuilles de journaux, des mots déchirés provenant de magazines, des
dessins empruntés à des images de BD ou encore des esquisses qui lui
appartiennent. Le collage est pour l’artiste « un enrichissement de la peinture. »
Il
dépose ensuite ses empattements de peinture à l'huile, d’encre, de
stylo-feutre. Il crée des tâches, des zones colorées, des éclaboussures et
ajoute par endroit du vernis.
« J'accorde un très grand soin à la composition
et ménage les circulations sur toute la surface du tableau. »

Portrait d'un auteur oublié, 1991, technique
mixte sur panneau de bois, 122 x 102 cm
Ce
mélange de matériaux et de techniques lui permet d'élargir son champ d'expression.
De
ce terrain riche et volontaire, des figures apparaissent et s’extraient comme
des forces en présence. Ce sont des personnages issus de son imaginaire dont il
accentue la puissance de caractère en simplifiant la ligne et la forme.
« Certains de mes personnages perdent ainsi une
part de leur individualité, mais deviennent universels. »
L’écriture
et les lettres ont une place à part entière dans l’œuvre de l’artiste.
Lorsqu’il ne bascule pas dans la production plastique, il est auteur de récits,
de nouvelles et de poèmes.
Sur
sa toile, les mots sont naturellement ancrés dans l’espace de représentation et
le caractérisent en s’inscrivant sur des banderoles brandies par les
manifestants, sur fond de drapeaux rouges ou encore sur les manchettes de journaux
que lisent les personnages.
En
dehors des protocoles esthétiques, Guy Savel, libérateur enjoué contre l’ordre
pictural et moral, affirme sa liberté de ton. Il donne corps à la rébellion où
la gaîté se love au cœur d’un conflit. Il pose une bombe artistique dans une
société trop docile et propose une ligne de front qui occupe autant la critique
sociale que le champ de l’art.
* Quotidien
français créé par Jules Vallès et Pierre Denis le 22 février 1871.

Discours vide et néon, collage et
acrylique sur papier marouflé, 68 x 53 cm
