« Lors de ma première visite à Paris à
17 ans, j’ai découvert Dali au centre Georges Pompidou, j’ai été incroyablement
marquée et éblouie par ses travaux autour des
images à double sens. »
Ses œuvres figuratives,
poétiques, métaphoriques cherchent l’étrangeté dans l’image et jouent avec le
paradoxe. Par processus de trompe-l’œil, Aimée Piotrkowski peint avec humour
des personnages et des animaux extraits de leur réel. Dans ce jeu presque surréaliste
se confrontent jumelles, homme, éléphant et poissons volants qui
nous font perdre les lois de la pesanteur.
L’artiste
travaille d’après des photos pour élaborer et transformer ses figures. La posture,
le regard, le vêtement… Un élément doit répondre au jeu de l’interpellation.
« Mon
intention est de surprendre le spectateur mais surtout de l’inviter à rester
devant la toile. »
Pour mieux
apostropher le spectateur, le regard de la figure est systématiquement frontal.
Ses lèvres invariablement rouges, dominent son faciès et apportent une certaine
profondeur. Et puis l’expression prend toute son ampleur
par la couleur. La palette riche de nuances et de
contrastes participe à une création harmonieuse pour redonner à voir dans un
autre espace, un autre temps.
Immersion, acrylique et Posca, 80 x 80 cm |
Aimée
brouille les pistes entre l’impulsion et la distance en se concentrant sur le
détail.
L’éléphant
nage dans une mer céleste grouillant d’algues, de petits poissons rouges et
d’autres poissons volants, les jumelles semblent émerger d’un papier peint très
orné où les colibris tressent leurs cheveux fleuris, un homme à la tête de Dascyllus Aruaneus, un poisson rayé noir et blanc, plonge dans des abysses de coraux. Ce sont autant de mondes clos où le temps semble suspendu comme
enfermé. Cette notion d’intériorité est renforcée par le fond.
Le fond est
travaillé après la figure de façon instinctive et luxuriante pour créer du
mouvement avec un motif répété façon all-over, sans second plan, ni
perspective.
Dans cette
surface minutieusement élaborée, le personnage semble émerger et fusionner avec
le décor. Il faut effectivement apprêter le regard pour percevoir la chevelure
des jumelles qui se confond subtilement avec le papier peint rétro. Ce
processus se retrouve aussi avec l’éléphant nageant dans une eau tapissée de
frises murales. Extérieur et intérieur, dehors et dedans, eau et terre
s’entremêlent pour chahuter le sens critique et le discernement du spectateur. Cet
étonnant pied de nez artistique repose dans ce
mouvement optique, entre surgissement et disparition.
Twin
Flowers, acrylique et Posca, 80 x 80 cm
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Les
dérèglements de la représentation affectent le réel sans le pousser vers
l’abstraction.
Les troubles
de la vision, les astuces de style et d’échelle mettent en scène des espaces
schizophréniques mais toujours sympathiques au potentiel de fable.
C’est dans cette
réciprocité assurant les qualités de l’artifice et de l’humour qu’Aimée
Piotrkowski se joue de notre sens commun et de nos perceptions pour réinventer
en toute illusion, de façon subtile et amusée, notre rapport au réel.