"Lover"
- Bronze. 2016. Dimensions 42 x 36 x 25 cm.
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La sculpture a toujours fait partie de sa vie. Cette
artiste travaille la terre et la pierre depuis l'âge de dix ans en regardant
scrupuleusement les gestes de sa mère dans son atelier de poterie. Ses
premières séries inspirées de l'Antiquité et des Arts Premiers laissent
aujourd’hui place à une nouvelle expression abstraite, détachée de la figure. Avec
la sculpture Lover, l'exemple le plus
abouti de sa recherche actuelle, elle reconfigure ses héritages.
Nadine Bouis redéfinit l’identité. Ce processus
l’amène à matérialiser le poids de l’imaginaire et la démiurgie de l’aléatoire.
Lover est une figure symbolique,
poétique, métaphorique. Elle tend vers l’intimité et fait du corps un espace de
questionnement authentique dans le temps. Une allégorie d’un moment qui
s’arrête pour se solidifier sur une individualité.
« Je cherche à figer l’instant, un peu
comme un arrêt sur image d’un amoureux attendant son baiser. »
L’artiste travaille à partir de ses rêves, de
ses souvenirs et de la sensation présente au moment de la création. Le visage
est un leitmotiv dans ses travaux car l’émotion s’exprime selon elle
essentiellement par le faciès.
« Je
cherche à représenter une sensation pure. Je limite volontairement les traits
de mes visages pour tenter de les réduire à une simple expression, pour montrer
juste l’essentiel. »
Cette expression que l’on devine dans les interstices
de la matière est porteuse d’un sens crypté que chacun est invité à déchiffrer.
Apparaît alors la contradiction entre la représentation d’une attitude
naturelle, légère et sa réalisation avec des matières dures, denses. La
pesanteur de ce visage constitue l’un des aspects les plus fascinants de son
travail qui met à l’épreuve la matière autant que le corps.
Réalisée dans sa première version en taille directe
dans un bloc de marbre noir des Pyrénées, cette nouvelle interprétation en
bronze donne consistance au visible. Elle joue avec la patine dans un aspect
différent avec des lignes simples, épurées et lisses, dans des teintes plus
claires.
« Je
l’avais choisi pour son côté pentu. Je voyais déjà dans ce bloc ce visage
penché avant même d’avoir commencé à sculpter. Un peu comme si cette tête cherchait
à s’extirper du sol. »
Déposé et disposé dans l’espace de son apparition, l’amant
devient énigmatique. Presque rien n’est révélé de son visage. Libre de circuler
d’une réalité à une autre, nous ouvrons d’autres points de vue, ici et là, pour
le comprendre. Ce visage sublimement poli pourrait être le maquillage, la
chirurgie parfaite ou le masque d’un accidenté qui voudrait taire son identité.
Peu importe… La figure cède ici à l’abandon de la figuration sans laisser de
réponses.
« L’abstraction
est pour moi une invitation au rêve, une sensation de liberté dans la création. Si
une pierre provoque mon imaginaire alors je lui prête une histoire avec à
chaque fois de nouvelles règles. »
Nadine Bouis nous invite à la contemplation esthétique
sous une forme lente et douce au regard comme au toucher. Sa force créatrice frappe
par la subtilité de son rapport à l’espace et l’évidente présence-absence de
l’expressivité de la figure. L’éclatement de la mise en volume, l’évanouissement
de la représentation dans la matière suggère une forme de resurgissement unique
qui aboutit à la plus inattendue des métamorphoses.