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Véronique Gros, ce qui lie et sépare


 
Lait noir du petit jour, acrylique et encre sur toile

La série pratique la méthode de l’écaillage des formes et des surfaces où le tracé se livre à une toute nouvelle contingence. 

« Un espace clos qui finalement va toujours trouver une échappée. »
Imprévisibles, toujours renouvelées, des formes concentriques presque géométriques semblent se souvenir et porter en elles la mémoire de leur matrice disparue. Leurs contours visibles prononcés apparaissent sous un trait spontané à l’acrylique et à l’encre sur papier épais.
Dans cette immersion enveloppante et organique, Véronique Gros travaille autant sur ce qui relie que sur ce qui sépare. Le lien qui rassemble comme celui qui déchire provoquant la perte, l’éloignement.  Entre présence et absence, dans une rapidité insistante et répétée, elle trace, lacère, griffe, creuse, surligne. Rayures, accros, écorchures témoignent de l’accident esthétique où l’aléatoire se révèle en perpétuel conflit avec la maîtrise de son geste.

« J’ai ce besoin de faire réapparaître ce qui était caché. »
Par le grattage des couches successives, elle sauve les traces de la disparition inéluctable.
Parfois l’inattendu surgit ; une empreinte figurée, fantomatique semblant faire signe. Le réel prend alors corps dans le mirage laissant apparaître la contradiction entre abstrait et représentation.  Dans cette tension, le spectateur intervient libre de creuser un sillon et suivre à la trace un sens dissimulé. Il se surprend à débusquer des pistes, d’infimes traces furtives, aussi belles et paisibles qu’inquiétantes.

« Au départ le spectateur peut exprimer un recul et ensuite lorsqu’il prend le temps, s’approche, entre dans l’œuvre, le malaise disparaît. » 
L’artiste travaille du plus précis au plus général. De l’utra-zoom à la distanciation, du plus loin au plus près, ses œuvres invitent au travelling pictural. C’est dans ce double mouvement constant que la composition se décrypte. Ce nectar rétinien rend fascinant la hiérarchisation de la perception de chacun qui décide que l’œuvre est mieux ainsi, à telle ou telle distance. Douceur ou stupeur, attraction ou ambiguïté, les yeux s’écarquillent vers un hors-champ qui échappe puis se précise. Les œuvres de Véronique Gros frappent par la subtilité de leur rapport à l’espace, aux formes, aux proportions et aux couleurs.

« Le noir est très réconfortant, il suggère une certaine profondeur, une présence que je ne retrouve pas dans les autres tonalités. Il permet d’infinies variations. »
La palette restreinte à dominante grise et noire procure des effets d’opacité, de clair-obscur perceptibles, y compris en transparence. Le jaune et le rouge, participent parfois vivement à la construction en s’insérant par touches. Le vide entre les tracés n’est pas occulté. Il apporte même une physicalité esthétique, une certaine stabilité. La quête de l’équilibre immédiat est d’ailleurs un réel défi pour l’artiste. La lecture est cependant plus verticale que dans ses travaux précédents avec une nouvelle intensité de présence contenue et une formidable énergie.
Véronique Gros est une faiseuse de formes. Elle aime la peinture de Bram Van Velde, Anselm Kiefer ou encore Pierre Soulages et on comprend pourquoi.