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Homeland, technique mixte, 100 x 200 cm |
Hervé Perdriel poursuit sa quête du paysage avec une série de collages
numériques qui nous transportent vers des trajectoires atypiques, aux
topographies reconstruites.
Il travaille la configuration du sol,
recompose des parcelles et des jonctions en intégrant sur toile des captures
d’écran de cartes géologiques des années 80 à l’aspect vintage. Ce sont des
cartes vues du ciel où différents pays du monde sont représentés. Pour prélever
cette matière virtuelle, l’artiste surfe sur ses terrains de
prédilection ; les banques d’images et autres sites institutionnels sur
Internet. La nébuleuse d’images lui offre également d’autres photos, des cartes
postales, des paysages de grands peintres auxquelles il associe sa propre peinture
réalisée sur logiciel. Certains motifs emblématiques, d’autres parfaitement anonymes
ou plus personnels deviennent signifiants au contact de chacun.
Les cartes sont augmentées puis
élaguées et semblent même disparaitre sous la prolifération des nouvelles
insertions sans cesse redistribuées. Face à cette structure incontrôlable composée
d’espaces multiples, les fragments autonomes surgissent. Seul un arrêt sur
image peut permettre de distinguer le corpus occupé et sa perspective géologique.
Contrées, dunes, collines, montagnes, cours d’eau, forêts, arbres, fleurs… Des
bandes et des aplats de couleurs vives se mêlent et s’entremêlent en revendiquant
leur altérité d’appartenance dans l’abstraction la plus totale. L’arrangement
spatial occupe de façon dense la totalité de la surface et contribue à une
sensation de dépassement, au-delà de la limite, de la frontière.
Les frontières sont-elles
nécessaires au sens du monde ? Hervé Perdriel pose la question du
territoire, en assemblant des lignes d’horizon dont il rappelle qu’elles
n’existent pas concrètement. Ses frontières éthérées, tournées vers l’extérieur,
font voler en éclat une certaine idée de l’unicité et de l’appartenance
territoriale.
« J’ai été très inspiré par
Eloge des frontières de Régis Debray, un ouvrage qui va à rebours de ce
que l’on peut entendre sur l’idéal d’un monde sans frontières et certaines
facettes de la déterritorialisation. »
Les images prélevées ancrent les
espaces dans un continuum de strates à multiples vitesses et temps. Ces
représentations du monde réalisées à des époques différentes, selon des
procédés distincts, évoquent le nombre de perspectives différentes que l’on
peut avoir sur un lieu précis à un moment donné.
La succession de points de vue aptes
à rendre une vision complexe du monde chahute notre ressenti qui passe du
détail au plan large et vice versa. La confrontation de paysages balayés nous
déporte vers une autre dimension, en perpétuel mouvement. Là où tout peut
basculer, laissant présager l’ébranlement de l’équilibre climatique avec la
réalité simple et irréversible d’une catastrophe naturelle.
Les multiples combinaisons
d’échelles, de lignes, de couleurs font rimer les créations d’Hervé Perdriel
avec explorations. Une façon de sillonner le paysage mental d’un artiste libre
d’observer et de reconstruire le monde.