Loin de tout motif et de toute représentation, la peinture de Laurent
Deschamps est une question de temps ; elle avance doucement, se transforme
dans un parfait ordonnancement. Cet enchainement de séquences habilement
montées se projette à la fois vers la quête de l’origine et de l’abouti.
Son travail est une forme
d’engagement, de patience pour l’accomplissement du trait ultime. Laurent Deschamps intervient en utilisant l’encre acrylique à l’aide de marqueurs ou de
pinceaux sur toile, papier, bois ou encore aluminium. Son trait prolifère en suivant
un cheminement gestuel extrêmement simple ; un tracé hiérarchique proche
d’une forme d’écriture qui chemine, se retourne sur lui-même toujours à la même
distance afin de changer de couleur. Au
fur et à mesure que la récurrence progresse, un ensemble se forme révélant
l’éventail des possibles.
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Aliens aux yeux rouges |
« Je structure la toile sans connaître le résultat final. »
Cette anarchie structurée née
de systèmes dynamiques
évolue en suivant une règle fixe et invariable sans repentir possible. Elle cultive
le jeu d’opposition de la production en série face à l’unicité. Car malgré le
geste mécanique et répété de l’artiste, chaque toile est unique.
Certains points se situent tel
des repères visuels à l’intérieur ou à l’extérieur des formes créées. Les zones
se remplissent de couleurs vives, souvent primaires et peuvent fusionner en
dégradés. « J’ai besoin que la
couleur soit présente. »
La rivalité surface/ligne et les
nuances de la palette participent à l’équilibre de la composition.
Trois couches sont nécessaires
pour aboutir au trait net. Un médium acrylique et un vernis mat interviennent à
la fin du procédé pour protéger et sublimer la surface lisse.
Laurent Deschamps ne renie pas sa
quête de l’abouti. Son
invention formelle s’inspire des images de Mandelbrot basées sur des fonctions
mathématiques.
En exposant une limite élaborée qui révèle progressivement
des détails récursifs, le temps s’étire et se condense, les repères ne sont
plus fiables, les vibrations du motif mutent et des figures mentales se
révèlent. Ces représentations non préétablies sont laissées à la
subjectivité de chacun.
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Distorsion cognitive |
Nées de l’aléatoire et de
l’occulte, les courbes enrobées des formes rémanentes et connexes, parfois
circulaires, symétriques ou tribales, luttent contre le lisible et préservent
leur mystère.
« Je ne suis pas guidé par la représentation mais par le trait, le
cercle est pour moi lié à des phénomènes physiques de densité. Il peut évoquer
les planètes, le système solaire, l’organique, la cellule. C’est une approche
de la nature entre le préétabli et la contingence qui permet de créer la vie. »
L’aspect combinatoire frappent
l’œil de façon presque hypnotique et bouscule l’imaginaire. Les œuvres sont
investies par de multiples sensations, passant par une avalanche d’empreintes à
multiples dénotations souvent proche de la nature. La désorientation
sensorielle nous projette dans un univers à dominante végétale où un arbre, une
fleur, un oiseau apparaissent furtivement. Dans cet environnement irréel, calme
et harmonieux proche d’un impressionnisme moléculaire, nous nous promenons au
toute liberté.