in-18, Acrylique sur toile | 120 X 120 cm | 2016 |
Elle opère pour
le libre agencement de la ligne sans
déterminisme, en se
détachant préalablement des apparences. Dans la fulgurance de son exécution, des premiers gestes lui servent de matrice. Puis elle explore
avec méthode, un peu comme un archéologue qui irait à la découverte d’un lieu
où se multiplieraient traces et empreintes.
Christine Curtenelle transforme les accidents de surface
en filaments de sens. Ces lignes directrices à l’acrylique scandent la toile et
fabriquent de minces frontières révélant l’existence de réalités invisibles
et inconnues.
« Les lignes
hésitent entre le vouloir, le calculé, le maîtrisé, le dominé et le sensible.
Elles vont et viennent entre l'arrachement et l'appartenance et engagent à
créer des liens avec l'extérieur mais sont aussi ces liens qui nous ligotent
peu à peu (…) Elles évoquent l’enfermement, l'angoisse, le temps qui passe,
l'amour dans ce qu'il a d'aliénant... »
« D'abord
failles et fissures, les lignes deviennent peu à peu hésitantes et fébriles
presque, en parcourant et irriguant la toile comme de fins petits rails, tel un
maillage de réseaux structurés et ouverts. »
Dans cet ordonnancement aussi
anarchique qu’organisé, l’équilibre se construit intuitivement. L’agencement
des traits, des contours visibles et des formes, créé un effet de dynamique. La
ligne fonctionnelle sépare et lie en même temps. Entre présence et absence,
elle donne une autre force. Brisant ainsi la tension spatiale pour faire état
d’une relation au monde jamais figée.
Des variations
modulaires, délimitées s’intègrent sans paradoxe et se dissolvent en volutes pour créer
plusieurs espaces qui s'interpénètrent, participant à la composition
mouvante, hybride.
« Je veux ces espaces libres, poétiques et sauvages. »
L’effet de
perspective et de relief instaure une sensation de trajectoire qui laisse
espérer mentalement que l’espace donné peut se déployer encore.
Le trait témoin
et repère dessine alors une limite à franchir. Cette tentation transgressive
ouvre tous les champs imaginaires. L’artiste puise in situ dans les carrières
de son inconscient. Son procédé attire minutieusement l’œil vers une perception
cérébrale des abîmes de sa pensée. Un
poulet, un rôti, et d’autres représentations figuratives surgissent.
« J'éprouve une espèce d'empathie pour ces viandes bridées… »
Le réel prend
alors corps laissant apparaître toute la contradiction entre abstrait et représentation.
Les échelles de
beiges, de blancs cassés enrobent des touches plus vives rouges, bleues,
parfois jaunes. La variation des tons oscille et creuse l’espace, animant la
toile d’une illusion de relief. Les
compositions s’apparentent à des cartes topographiques ou des vues du ciel. Cette invitation au travelling
arrière pictural nous permet de contempler un espace fictionnel qui évoque un
autre paysage, une nature de l’intérieur vers l’extérieur.
« La nature m'inspire au quotidien dans ce qu'elle a de spontané,
d'instinctif, d'organisé, de répétitif et d'archaïque. »
De l’organique
au végétal, le vivant est une inspiration
continuelle. Les espaces
intuitifs domptent la persistance de l’inconnu. Christine Curtenelle a cette façon bien
à elle de porter attention aux accidents, de hiérarchiser et sublimer les
fragments, ces failles de l’essence originelle qui pourraient se dire toujours
autrement.