Justice-Chorus |
Parmi le flux d’images circulant sur Internet, Hervé Perdriel pioche
avec délectation dans le corpus du star système. Il prélève les figures de la mythologie musicale
moderne qu’il confronte aux tableaux des maîtres de l’histoire de l’art. Avec
cette capacité toujours croissante de stockage, de transfert, de collages, de
détournement d’images numériques et de strates temporelles, il révèle en
substance de nouveaux espaces.
La mise en scène juxtapose et
fragmente les références picturales ; images, signes, aplats colorés se
mêlent et s’entremêlent créant une déflagration de contrastes résolument
souhaitée. Dans un acte de sublimation et cette pincée d’humour qui témoigne de
son empreinte artistique, l’artiste extirpe de leur pochette de disques quelques
armées d’effigies pop, rock, électro. Supertramp, Neil Young, Metallica, Cat Power, Skunk
Anansie, The Gossip, Eminem, Muse ou encore Justice sont autant d'idoles
réincarnées et choisies pour leur potentiel esthétique comme pour leur couleur
musicale.
Il est intéressant de s’attarder
sur l’origine de la matière artistique, sur la provenance des corps, des
paysages, des situations. Les pochettes d’albums servent de matrices à une
inspiration qui trouve son terrain de création dans toute l’histoire de l’art.
Hervé Perdirel actualise ses
classiques. Delacroix, Klimt, John William Godward, Karl Brioullov, Orazio Gentileschi font partis des grands peintres qu’il réinterprète
et confronte aux célébrités d’aujourd’hui. Ce geste confirme la minutie et la
constance de son travail comme son intérêt à l’égard des signatures célèbres de
l’histoire de l’art.
Son intention perceptible invite à apprêter le regard pour déceler les anecdotes
et les transformations dans un format carré qui reprend les dimensions du 33
tour.
The Meaning Supertramp |
Les hallucinations de pureté mystique des figures d’hier embrassent les poses
lascives et glamour des stars du moment. L’extase est intégrée dans une
préoccupation parfaitement anachronique où la capture de la concentration de
l’instant s’inscrit dans un décalage astucieusement intemporel.
Ce rapprochement entre les
différentes temporalités et esthétiques invite à la réflexion sur les
stéréotypes de lecture des images.
Hervé Perdriel vient troubler la
clarté du message en désacralisant l’aura de l’icône.
Ce décentrement s’articule aussi autour
de la notion de légitimation d’appropriation et de reconnaissance de la figure
célèbre d’hier et de la personnalité issue du star système actuel. Désormais érigée au sein d’une composition à la fois
perturbée et parfaitement structurée, une nouvelle figure surgit entre passé et
présent, entre classicisme et modernité.
La mise en présence de ces deux mondes où l’un se sert de l’autre comme
support, laisse surgir un jeu singulier de références. Chez Hervé Perdriel, le
collage devient une infiltration numérique où tout à un sens.
Le désir tout entier d’appropriation
de ces corps-images se laisse explorer. Arrachée par la découpe d’un fragment,
leur identification immédiate s’efface peu et peu. La pochette d’album, objet usuel de la société de consommation, s’évince de
son registre pour devenir une œuvre d’art à part entière. Son intrusion dans ce
nouveau champ artistique lui confère une identité travestie, détournée de sa
fonction initiale mais désormais autonome et chargée d’un potentiel
d’appréciation esthétique inédit.